Chorune, mal réveillée, les yeux encore rougis par ses pleurs, était arrivée la première dans la grande salle. Était-elle le monstre dont elle avait rêvé ? Enfin, il s’agissait plutôt d’un cauchemar. Mais le sourire triomphant qu’elle avait vu dans cet éclat du miroir lui faisait toujours peur. Seule raison d’espérer, son grand-père était apparu, et voulait la soutenir…
Pfff. Je suis ridicule. J’accorde trop d’importance à ces rêves… Malgré cette pensée, quelque chose au fond d’elle lui laissait penser que tout cela avait un fond de vérité.

La jeune fille aida Laurel à descendre les chaises, puis elle aida à l'installation de la table, refusant catégoriquement d'être mise à l'écart de ces tâches. En fait, elles lui permettaient de reprendre contenance, de se concentrer sur autre chose.

Un fois tous attablés, elle commença son déjeuner. Sans trop manger. Pas vraiment faim.
« Je… j’ai cassé le miroir, dans la chambre… je suis désolée… » dit-elle, évitant ainsi de répondre à la question d’Ameiko. Elle passa un doigt sur son entaille, sur le front. Elle ne saignait plus.
Machinalement, elle lissa sa mèche rouge, au niveau de la tempe. S’en apercevant, elle la lâcha aussitôt.

« J'ai croisé de vieilles connaissances cette nuit. Rien de bien méchant. »
Le barde resta un peu trop évasif sur le sujet par rapport à son habitude mais même si c'était occasionnel, il lui arrivait tout de même de ne pas trop parler.
La vérité par contre, il l'a connaissait très bien. Et la bouteille de vin de la veille l'avait aussi senti passer.

Le matin avait été l'occasion d'un réveil agréable, pour changer. S'étirant au lever du lit, Héléa alla s'installer pour prier paisiblement avant d'aller faire sa toilette. Ses pensées étaient toujours occupées par sa discussion nocturne quand elle descendit après avoir revêtu son armure et pris soin de Néaloria:

« Bonjour tout le monde, vous avez des petites mines. »

S'installant, elle entendit la question d'Ameïko et lui accorda un sourire:

« J'ai dormi comme un bébé, pour ma part. Et toi? »

Rejoignant ses compagnons à la table, Borscht se servit un petit déjeuner. Il repensa à sa nuit de sommeil, sourit et dit : « moi aussi j'ai bien dormi. Je me sens parfaitement d'attaque aujourd'hui. »

Mérisiel s'attabla avec les autres. Paisible, détendue, reposée, parée pour faire face à tout ce qui se présenterait, tendant ses oreilles pointues vers les conversations environnantes, réceptive.

« Je m'insurge. Je n'ai pas cassé la table. C'est le sac a vin qui s'appuyait dessus qui l'a fait. Maladroitement. Sans intervention aucune de ma part.

Et puis, c'est lui qui avait commencé. »

Héléa gloussa a la pensee de ses premiers contacts en ville. Le dragueur saoul ou encore le concours de tir a la corde qui s'acheva par une bonne grosse bagarre... Et tout ca, avant meme de croiser le premier gobelin. Revenant a la realité, la pretresse repondit:

« Rien de passionnant. Des tunnels a explorer et un fantome a trouver. Et une Chorune a taquiner mais ça, c'est vraiment si on a le temps. »

Mérisiel sourit à ces mots ... ahhh s'excuser pour ce qu'on a fait ou pas ... mais elle tenta de recadrer le débat :
« Ce n'est rien Ameiko : nous nous efforçons de faire au mieux ... dans la mesure du possible ...
Pour aujourd'hui je ne sais pas.
Je voudrais me sentir utile, mais mes vérifications sur les défenses de la ville n'ont pas semblé susciter d'enthousiasme, mon jugement était peut-être erroné ... ou alors c’est cette « étrange humeur » qui s'est propagée parmi les autres : entre « Héléa qui ne se sentait pas combative » et « Chorune qui fut prise d'une rage subite » ... je n'ai aucune idée d'où cela peut venir ...
Si on a besoin de moi, il suffit de me dire en quoi. » elle ajouta à voix aussi basse que possible :
« Les événements d'hier ne furent que le prélude à bien plus d'embêtements qui risquent de tomber sur la ville en moins de temps qu'il ne le faudrait pour y penser correctement .... »

Chorune réagit à peine à la tentative d’Héléa de la dérider.
« Mouai… »
Avec le majeur de sa main droite, elle se gratta le dessus du nez, qui la démangeait.
« Mérisiel, nous n’avons pas oublié les considérations tactiques. Il faudrait les signaler à la garde, pour qu’ils préparent les défenses. » Et d’ailleurs, elle n’en fait pas partie, de la garde, maintenant ? « Mais pour ma part, j’ai plus envie de découvrir ce qu’il m’est arrivé hier… et probablement ce qui est arrivé à Nualia il y a cinq ans… »
Pour Chorune, l'exploration des souterrains était une priorité. Elle l'aurait presque fait la veille au soir, d'ailleurs. Et son rêve étrange de la nuit l'y incitait encore plus : Les deux choses étaient-elles liées ?

La mention des tunnels restant à explorer rappela à Borscht sa captivité dans les sous sols de la verrerie. Il se tourna vers Ameïko : « Je te présente mes excuses pour ne pas avoir été un bon garde du coprs, si j'avais été meilleur tu n'aurais pas eu à subir cette mauvaise expérience. »

Puis pour ses compagnons : « De quels tunnels s'agit-il au fait? J'avoue ne pas avoir vu grand chose de la verrerie lorsque vous m'y avez délivré hier, j'avais d'autres préoccupations en tête à ce moment là. »

« En fait, partant du sous-sol de la verrerie, il y a un souterrain qui mène plus loin, vers la côte. On pense que des gobelins sont passés par là.
Il y a deux autres souterrains que l'on n'a pas suivi et qui partaient de ce premier tunnel. L'un d'eux allait vaguement dans la direction de la porcherie d'Olmur... » expliqua Chorune.

La troupe s'activait hardiment autour de la table, chacun racontant ces trouvailles de la veille.
Laurel savait que les siennes devaient rester pour lui. Elles n'avaient pas de lien direct avec l'enquête et d'une manière plus générale, ça ne le regardait pas.

Aussi garda-t-il le silence. Même s'il faisait tout son possible pour le garder secret, il savait très bien qu'il n'avait pas passer une bonne nuit. Et ce qu'il avait vu le tourmenter légèrement.
« Au moins ma sœur n'aura pas fait d'apparition, elle. » marmonna-t-il pour lui même. Oubliant qu'il n'était pas seul d'une part, convaincu que tous avaient mieux à faire que de s'occuper de lui d'une autre.

Lorsque Héléa proposa de séparer le groupe en deux le temps d'un passage chez la mairesse, le barde ne put acquiescer en dissimulant à peine un certain soulagement. Au moins il n'aurait pas à subir les piques de la prêtresse ce matin. Quoiqu'elles semblaient aussi plus rare.
« Pas de problème pour moi. Je ne sais plus si on en avait déjà parler avant mais demandez lui si elle a un plan de ces galeries. On ne sait jamais et un peu de chance ne nous ferait pas de mal. »

Chorune était donc dans le groupe avec Laurel et Borscht.
« Très bien, allons-y, alors. » dit Chorune en finissant son petit déjeuner.

Sans « en faire tout un plat », Mérisiel n'en négligea pas le petit déjeuner pour autant. Au contraire, elle en fit « une pleine assiette » qu'elle attaqua sans vergogne avant de confirmer : « Parfait Héléa ! Petit Déjeuner, Mairie, Tunnels. Cela me semble approprié. »

Merci pour l'accueil.
« Nous sommes venu voir si tout ce passait bien et on nous a demandé d'inspecter ces tunnels plus loin que ne l'avait permis notre précédente expédition. »

Laurel avait eu une nuit difficilement oubliable, et pas dans le bon sens du terme. Il était plus irritable qu'à son habitude et répondit un peu sèchement. Comme si la réponse devait couler de source pour chacun des habitants de PointeSable.

L’agressivité de Vic surprit Chorune. Il n'était pas dans les habitudes de son cousin de réagir comme cela à sa présence. Et s’il y avait bien une personne dans la garde sur qui elle pouvait compter, c’était bien lui. Qu'il prenne une attitude aussi méfiante le lendemain même où ils s'étaient rencontrés dans ces lieux n'avait rien de normal.
Avec inquiétude, la jeune blonde fit un rapprochement entre sa propre réaction la veille, la mésaventure de Nualia il y avait plusieurs années, et la méfiance de Vic ce matin-là.
« C’est moi, Chorune… Tu… tu es resté ici toute la nuit ? » J'espère qu'il a pas attrapé une malédiction ou un truc magique du genre...