Les immondes créatures l'encerclaient et, seul au milieu de cette ville en flamme, ses chances de survie était nulle.
Le barde était bien loin d'avoir réalisé son rêve mais étrangement, il n'éprouvait aucun regret quand à ces choix. La vie qu'il avait voulu aurait été courte, mais au moins l'avait-il choisi.
Par contre, ce pseudo sentiment d'accomplissement ne l'empêchait pas de céder à la peur. Il n'était pas prêt à mourir, pas si jeune et surtout pas si violemment.
Il chercha un moyen de sortir de cette situation mais n'en trouva aucun, et c'est au moment où il se résigna qu'elle apparu.

« C'est toi n'est-ce pas ? C'est toi que j'ai vu au marché ce jour là ? »
Le barde n'était pas dans son état normal. La peur le rongeait quelques secondes plus tôt mais désormais seul un flot de questions et d'incompréhensions parcourait son esprit.
Il fallait qu'il comprenne. Comment cette femme pouvait se retrouver face à lui, ici, loin de Korvosa et au beau milieu de tout ça. Mais les mots employés furent bien différents de ceux auxquels il s'attendait.
« Elle n'est pas facile mais elle est belle cette vie. Et je n'ai jamais eu l'occasion de te remercier pour ça mais c'est à toi que je la dois.
Donc, merci. Vraiment. » Encore une chose qui n'allait pas. On pouvait sentir une pointe de gène et de timidité sans son intonation. Cela faisait pourtant bien longtemps qu'il avait appris à garder ce genre de ressentit pour lui - bien avant son entrée dans la troupe de saltimbanque - et pourtant ce détail retint à peine son attention.

Placé devant l'entrée de la demeure familiale, Laurel eu de nouvelles sueurs froides. Se retrouver encore une fois devant ces portes, il avait pourtant tout fait pour que rien ne le ramène ici avant d'avoir atteint son but. Avant d'avoir amassé plus de gloire et de richesses que quiconque ne peut en rêver pour prouver à son père qu'il avait tord. Une quête bien futile en fin de compte, mais après tout, si les abrutis étaient enfermés, il ne resterait plus grand monde dehors.

Et puis d'un coup, les paroles de la jeune fille brisèrent son état de frayeur.
« Me pardonner ? Me pardonner de quoi !? De ne pas avoir voulu de son chemin tout tracé. D'avoir voulu vivre ma vie plutôt que la sienne ! Il n'y a rien à pardonner. Et quand bien même... »
Le barde fut pris d'un léger fou rire. « Il ne pardonnerait rien du tout, surtout pas à un fils qui a osé le contredire. »

Il détourna son regard de la danseuse pour fixer les armoiries familiales. « Pourquoi suis-je ici ? »
Laurel fit valser son regard entre la fille et la porte au fur et à mesure que ses mots sortaient. « Pour rien au monde je ne serais revenu ici. Enfin il y aurait bien une raison. L'ultime raison. Mais je sais que ce n'est pas le cas. Quelle raison ? Mais bien sur, pour elle. Lui est-il arrivé quelque chose ? » Son discours se faisait de plus en plus chaotique. Tout en parlant, il commença à faire des vas et viens d'un côté à l'autre de la porte, comme s'il cherchait quelque chose, puis repris finalement le cours de la discussion. « Je veux dire, la perspective de devoir affronté un raid gobelin seul n'est pas des plus alléchante - surtout que mon physique est plus fait pour plaire au femme que pour soulever une arme - mais c'est un fait que je préfère mourir sous des coups de dagues rouillées plutôt que de me tenir là.
Et c'est tellement loin de PointeSable. Suis-je mort ? »
Il ne faisait plus réellement attention à la jeune femme. Le barde se perdait dans ses réflexions, les voyant littéralement défilées les unes après les autres devant ses yeux mais n'arrivant pas à le réaliser.
Il resta un moment dans cet état.

Il n'était pas mort. Cette nouvelle le réjouit sans qu'il sache vraiment pourquoi. En dehors de l'évidence qu'être vivant est généralement un meilleur statut que celui de mort.
« Si je suis pas mort où est-ce que je suis ? »

Cette question était parfaitement légitime mais la jeune femme enchaina avant de lui donner sa réponse. Ce qui lui fit oublier ses interrogations.
Il reprit sur un ton plus colérique. Un tempérament qu'il n'avait pas eu depuis bien longtemps.
« Tais-toi ! Te voir t'amuser de ma situation ne me plait guère. Je sais bien qu'ils ne viendront pas. Certains pourraient même apprécier me voir disparaître.
Est-ce mon père qui envoie ces gobelins ? Il m'a retrouvé et veut me montrer à quel point j’avais tord c'est ça !!! »
Laurel se mit à hausser la voix. Se tournant dans toutes les directions pour chercher une menace. Il sentait les gobelins l'encercler, sans pour autant réussir à les apercevoir.

« Ha ! Je suis sûr que ma mort ne lui ferait aucune peine. » Il continua sur un ton de défi, toujours en vociférant à droite et à gauche sans vraiment savoir où se trouve son interlocuteur.
« Où êtes-vous Père ? N'avez-vous donc plus assez de considération envers votre fils pour vous montrer à lui ?
M'envoyer des gobelins à moi - la chair de votre chair - me livrer à la mort simplement pour prouver que TU avais raison !? Je ne te ferai pas ce plaisir.
Tu pourras en envoyer des hordes mais je les repousserai à chaque fois et un jour. Oui un jour je les contrôlerai et les enverrai se jeter sur TOI ! »

Cette dernière phrase le calma net. Il posa un genoux à terre et prit sa tête entre ses mains, la serrant comme pour repousser l'emprise d'une force inconnue.
Après quelques instants à lutter contre lui-même, il se releva. Il ne dégageait plus une seule once de colère ou de peur.
Un tiers ne saurait vraiment dire s'il s'était résigné à son sort, à la fatalité peut-être mais toujours est-il qu'il apparaissait bien plus serein.
« Je ne le laisserai pas me détruire. J'ai des choses à accomplir et il ne pourra pas m'en empêcher. Même avec des hordes de gobelins. Qu'elles viennent et je leur ferai face, seul s'il faut, mais j'écrirai cette épopée. Pour elle, pour qu'elle ne soit plus seule dans cet enfer et que mes histoires la transporte loin de notre père. »

Les derniers mots de la danseuse résonnèrent dans l'esprit du barde. Ce dernier se jeta dans la mêlée sans la moindre hésitation. Après tout, cela devait faire plusieurs heures qu'ils livraient cette bataille.
Il avança sereinement en direction des créatures apparus sur le flanc de ses camarades. Il dégaina son épée longue et commença à la faire tournoyer autour de lui tout en se rapprochant de ses proies.
Laurel fit danser son épée qui fendait l'air en créant une mélodie calme et entêtante capable d'adoucir les esprits et de renforcer leur volonté. Lorsqu'il dépassa ses compagnons, il ne s'arrêta pas ; un seul regard et tous comprirent ce qu'ils avaient à faire. Lui continua d'avancer seul vers les sordides créatures et abattit sa lame sur la première qui vint se jeter sur lui.
A cet instant, la mélodie changea. Le rythme se fit plus menaçant à l'image des tambours de guerre. Il inspirait les hommes et effrayait l'ennemi.

A chaque fois qu'Héléa appuyait sur le nom « Joséphine », la colère du barde grandissait.
Il repassa devant la prêtresse et abattit une lourde épée à deux mains sur un des gobelins à sa portée. Le barde peinait à avancer avec cette arme à la main mais il n'éprouvait aucune difficulté à s'en servir contre ses ennemis.
« Je m'appelle... Laurel... Barnandi ! » Chaque mot était ponctué par un élan de rage et le fracassement des os d'une des créatures.
Il s'arrêta de frapper et agrippa la prêtresse par le bras pour l'empêcher de l'ignorer d'avantage.

« Je ne sais pas pourquoi tu peux pas m'encadrer et très franchement je m'en fous complètement. Mais j'apprécierai grandement que tu arrêtes de te foutre ouvertement de moi. »
Le temps où il ne prêta plus attention aux monstres ceux-ci semblaient disparaître autour de lui sans même qu'il s'en rende compte.

« Pendant que les autres risquent leur peau. » Parce que si on ne manie pas une épée on ne sert à rien ? Au final elle n'était rien d'autre qu'un bourrin sans cervelle.
Incapable d'apprécier des qualités autre que la force de destruction, c'était certains qu'il n'allait pas briller grâce à ses trophées de chasse. Pourquoi d'ailleurs, ne venait-il pas de pourfendre à lui seul plusieurs créatures par la seule pointe de son épée. Il allait rétorquer quelque chose quand la prêtresse enchaîna.
Il suffit qu'Héléa lui parle de nouveau des ces monstres verts pour que ceux-ci réapparaissent aussitôt. Tous comme ils étaient juste avant qu'il s'égare, encore.

La danseuse me posait moins de problème. murmura-t-il pour lui même.
Les gobelins ont peur des chevaux et des chiens. Il se mit à chercher frénétiquement mais il avait beau se tourner dans toutes les directions, aucun animal n'était présent.
Il fallait trouver un moyen de vaincre ces choses qui revenaient inlassablement au combat.
L'écriture. Cette solution lui parvint comme une évidence. Il était barde, et pouvait leur suggérer habilement d'écrire. Ils étaient aussi bêtes. Avaient peur de ce qu'ils ne comprenaient pas. En les forçant à écrire, ils finiraient par prendre peur, se cacheraient dans des fours pour fuir le démon.

Le barde regarda ses compagnons, leur demandant d'allumer les fours de chaque chaumière sans poser de question.
Dans le même temps, il attrapa le violon qu'il avait dans son dos depuis peu et commença à en jouer. Les notes voletaient dans les airs et s'enroulèrent autour des gobelins. Les créatures, possédées par la musique, s'accroupirent et commencèrent à écrire sur le sol en plantant leurs doigts dans la poussière.

Laurel se réveilla en sursaut et eu juste assez de sang froid pour étrangler un hurlement. Le fait que la prêtresse lui ai fait un compliment lui avait peut-être permis de se rendre compte que tout ceci ne pouvait pas être la réalite.
Le tint pâle, la sueur perlant sur son visage, il avait du mal à comprendre ce cauchemar mais une chose était sure, cette nuit faisait partie des pires de sa vie.

« C'est quoi ce bordel ! » Sa mémoire lui revenait peu à peu mais l'ensemble restait flou.
Ça serait la potion de la mairesse ? Il y avait quoi dedans ! Je crois que je me suis vu mourir, ou presque. Merde ma tête.
Le barde pris sa tête dans ses mains et essaya de calmer autant son humeur que son mal de crâne.
Son rêve le hanta un long moment. L'image de sa mort, même hypothétique, lui laissait un goût amer et la peur prit doucement le dessus. Même si elle n'était pas au centre de ses pensées, elle n'en restait pas moins tapie non loin.

Malgré tout il se sentait légèrement différent. Il n'aurait su comment le décrire mais il avait l'impression qu'une nouvelle force l'habitait. Elle n'était pas venu seule, certes, et les mots le frappaient plus fort que ce qu'il se sentait grandit mais il pouvait la sentir parcourir son être.
J'ai besoin d'un remontant.
A l'instant même où il sortit de la chambre, son attitude ne laissait rien paraître de la nuit qu'il avait passé. Son humeur semblait être aux beaux jours et d'une jovialité parfois irritante comme à l'accoutumée.
C'est avec cette facette qu'il se dirigea vers les cuisines. Il travaillait ici - partiellement du moins - Ameiko l'avait plutôt à la bonne et les Dieux savaient qu'il avait vraiment besoin d'un coup de boost pour cette journée.