Les narines de Martigan se dilatèrent comme il inspirait profondément l'air du dehors. Une bonne chienauchée chasserait de son esprit les choss étranges qu'il avait vu dans la cabane du vieil homme. Bien sûr, les fables halfelines étaient remplies de combats dantesques contre des gobelins, ces vilaines créatures aux dents aiguisées, mais généralement on se concentrait surtout sur les demoiselles sauvées de leurs griffes nauséabondes plutôt que sur la conservation de leur tête. Peut-être que les humains avaient moins bonne mémoire, et que c'était pour se souvenir de leurs batailles qu'ils faisaient ça. Son Martigan disait que c'était pour ça que les humains mettaient beaucoup de leurs histoires par écrit. Pour se souvenir.

Martigan enfourcha Bucéfolle, qui se trouvait être un mâle. Martigan s'en était bien rendu compte, à sa façon d'aller au petit coin. Mais ce nom était celui de la célèbre laie de Lancetonneau, un des plus grand héros halfelin de tous les temps, alors Martigan n'allait pas s'arrêter à de menus détails pour reprendre ce nom légendaire.

Talonnant gentiment les flancs poilus de son fidèle destrier, Martigan partit au trot. Il avait entendu parler d'une fête à Pointesable. Un genre de festival. Il avait oublié les détails. C'était même peut-être dans une autre ville...bah, les détails importaient peu ! Il irait de par le monde, là où les aventures qui lui permettraient de devenir un héros de son peuple l'attendaient bien sagement.

Ma tête aurait pu aussi rentrer dans ce bocal.

Le halfelin chassa son frisson en se lançant au galop dans la brise. La journée s'annonçait merveilleuse. Comme beaucoup de celle que vivait un éternel optimiste comme lui.

Le halfelin mit pied à terre, et s'avança à la rencontre de son interlocutrice. Il était peut-être tête en l'air mais sa mère lui avait inculqué la politesse à coups de cuiller en bois, une leçon qu'il n'était pas prêt d'oublier

« Enchanté, mademoiselle Barrett. Appelez-moi Martigan. » dit-il en lui tendant la main et en lui offrant un sourire poli.

« Ne vous en faites pas, votre Pétale ne nous dérange pas. Bucéfolle adore les chiots. Hein mon grand ?!

Dites, vous préparez une fête ici c'est ça ? J'en ai entendu parler mais je ne sais plus si c'est bien dans cette ville... »

« Festival du Machaon ? Chez nous on avait un festival du Pain, mais je dois avouer que les machaons c'est bien meilleur. Surtout ceux à la pistache. »

Puis le paladin se tourna vers la cathédrale :

« Une cathédrale bâtie en cinq ans seulement ? C'est plutôt rapide, pour un truc aussi gros, non ? Nous, un terrier familial ça doit prendre deux ans, et encore, on continue à l'agrandir petit à petit...enfin, les humains doivent pouvoir bouger des pierres plus vite que nous, c'est sûr. »

Nouveau sourire, plein de candeur.

« En tout cas oui, je vais sans doute participer à vos fêtes. J'ai encore un peu d'argent pour ça, ça tombe bien ! Mais je vais aller visiter cette cathédrale, d'abord. Une cathédrale pour qui, d'ailleurs ? »

Des papillons ?

« Oh. Normal qu'elle soit aussi grande alors, avec tous ces dieux à abriter. »

Martigan se gratta la tête.

« Bon, et en attendant la fête alors, qu'est-ce qu'il y a à faire ? Ah, et vous ne connaitriez pas une bonne auberge ou passer une ou deux nuits, par hasard ? »

Martigan eût un petit rire gêné à la remarque de la demoiselle.

« Oui, on me dit souvent que je suis amusant... »

Puis il ferma un poing et regarda le ciel, une flamme brillant au fond de son œil.

« Mais je suis aussi très valeureux ! Je serai bientôt un héros halfelin ! »

Puis, il changea d'idée et reprit sa tête bon enfant :

« Bien ! N'ayant pas un estomac très bien accroché pour la nourriture et les boissons humaines, je ferai l'impasse sur la myxine. Je vais donc aller au Cerf Blanc. Par où est-ce donc ? »

Après avoir répété trois fois les instructions pour bien les retenir, Martigan remonta en selle et s'en alla, en faisant au revoir de la main à la gentille damoiselle. Dont il avait bien peur d'avoir déjà oublié le nom.

« Merci beaucoup ! Nous nous reverrons peut-être demain ! »

Puis il lança Bucéfolle, répétant son itinéraire à voix basse pour ne pas se perdre.

Je mène Bucéfolle jusqu'aux bambins.

« Bonjour les enfants ! Vous allez bien ?Qu'est-ce qui vous arrive ? » dis-je en mettant pied à terre et en grattant mon toutou dans le cou.

Comme d'habitude, mon ton est jovial, comme si j'avais la certitude que le monde ne recelait que de bonnes surprises.

« Oh ? Frimousse ? Ne t'en fais pas, on va aller le récupérer ! »

Martigan enleva alors rapidement son armure de peau, et, une fois que les enfants lui eurent montré l'arbre et la boule de poils qui en était le fruit, il gara Bucéfolle juste devant, grimpa sur Bucéfolle, puis grimpa sur l'arbre.

Martigan se releva prestement et s'épousseta le derrière.

« Non non, ça va, j'ai glissé. Mais vous voyez les enfants, c'est dangereux de grimper aux arbres, heureusement que vous avez demandé de l'aide à un adulte. »

Bon. Il ne pouvait plus envoyer un enfant là-haut maintenant. Il serait obligé de se débrouiller tout seul. Faisant quelques étirements, il décida donc d'y retourner de plus belle. Nombre de grand héros commençaient par sauver un chaton ou par attraper des poules sorties de leur poulailler.

Samuel attrapa le chat par la peau du cou, fier de son exploit. Apporter son soutien aux plus démunis était ce qui le faisait avancer. Ca, et combattre de vilains monstres pour devenir une légende. Il redescendit donc prestement, pressé de rendre le chaton à sa propriétaire.


Plus à l'aise à la descente qu'à la montée, le halfelin se permit même de faire un petit salto avant de toucher le sol, tendant le chaton à la petite fille. Puis il se tourna vers l'arbre, et le jaugea, les poings sur les hanches et un sourire aux lèvres.

Je t'ai vaincu, grand Démon ! Et que je ne t'y reprenne jamais à capturer de pauvres petits chats !