Mais dans quoi je me suis aventuré moi?. C'est la seule chose à laquelle pensait Borscht au fur et à mesure que la situation se clarifiait et que les hypothèses s'accumulaient.

Ayant, à peu près, suivi le déroulement de la conversation, il hasarda à l'attention du groupe :
« Cette Nualia dont on parle là, quelqu'un dans le village doit bien en savoir plus à son propos. Quelqu'un qui s'occupe des enfants en général, n'y a-t-il pas un orphelinat à Pointesable? Au vu de la situation, vous risquez d'avoir besoin de toute l'aide disponible, c'est pourquoi je me propose de vous aider si vous n'y voyez pas d'inconvénients. »

Se tournant vers la dénommée Héléa, qui lui semblait être la personne se rapprochant le plus du statut de "chef de groupe" : « Nous n'avons pas été présenté, je me nomme Borscht. Je possède quelques aptitudes pour la magie qui pourraient vous être utile. »

« Ben oui, moi, je vais rester là, hein… » Chorune ne se voyait pas abandonner le village qui l’avait vu naître, et dont son grand-père, Salfon Camovar, avait aidé à son édification. La nouvelle histoire des Camovar s’écrivait à Pointensable, entre son grand-père, sa grand-mère, son oncle, et maintenant son cousin et elle... et peut-être d’autres cousins encore ! Tiens, voilà que je commence à penser comme le barde se dit-elle, légèrement amusée par cette pensée qui trouait le noir de sa déprime.
De plus, trop de gens qu’elle connaissait et aimait vivaient ici. Comment pourrait-elle partir ? Comment pourrait-elle ne pas participer à la défense de la ville, maintenant qu’il était notoire qu’elle se défendait avec une arme ? Le massacre de gobelins qu’elle avait perpétré dans la verrerie était à la fois rassurant pour tous, et inquiétant pour elle.
Et si en plus il y avait de quoi mettre sa mère et elle à l’abri du besoin… Un hiver difficile était trop vite arrivé, et avoir de l’argent permettrait de mieux passer ces périodes.
« Il faut retrouver des gens qui ont bien connu Nualia. Je m’en charge. Borscht, tu peux venir avec moi, si tu veux. » Au moins, ça m’occupera…

« Quelle question ! » s'exclama Mérisiel
« Le vent porte bien des feuilles, mais jamais sans l'orage ... » avant d'ajouter « Ce n'est qu'une expression famliale qui signifie que je tiendrais mon poste autant que possible ... il parait que je fais partie des Héros de Pointesable, ce n'est pas pour me carapater maintenant ... »

« J'aimerai en apprendre plus sur Nualia mais nous avons déjà deux personnes qui s'y rendent.
Si personne n'a besoin de mes services je vais me charger de ramener Ameiko à l'auberge et rester à son chevet un moment. »

Il était rare pour le barde de parler si peu, mais trop de choses le travaillaient et le plus irritant était qu'il ne comprenait pas quel pouvait bien être leur plan.
Je suppose que quel qu'il soit, le principal est de réussir à le déjouer.

« Ilsoari? Je l'ai déjà rencontré afin de discuter de magie avec lui, il ne verra sans doute pas d'inconvénients à ce qu'on lui pose quelques questions sur Nualia »

Se tournant vers Chorune : « Nous pourrons trouver Ilsoari à l'académie, je te suis allons-y. »

« Très bien, allons-y. Laurel, Mérisiel, si vous voulez venir, pas de problème, hein... »
La furie blonde prit la fiole donnée par la Maire de Pointesable, - Faudra que j'y pense, ce soir... - et s'en allait déjà vers la porte.

« Eh bien ... » observant les uns et les autres dans la pièce, Mérisiel demanda à la cantonade : « A votre avis, « Où » et « Comment » serais-je le plus utile ? »

« Que tu fasses le tour de la ville, pour verifier les points d'intrusion que les verdatres prevoient. Voir si le plan qu'on a parait fiable. Le genre de choses que des yeux elfiques repéreraient plus facilement que ceux des humains... »

Se tournant vers la mairesse, Héléa ajouta:

« Quand vous voulez... Mais Vic était a la verrerie quand on est parti. »

Mérisiel acquiesça ... repris le calepin pour bien mémoriser les différents plans d'intrusion annotés ... le rendit à Héléa et conclut : « une patrouille éclairée et minutieuse de toute la ville, en commençant par ses abords et voies d'accès.
Une seule chose me chiffonne : la « Voie des Contrebandiers » qui mène à la verrerie. Est-ce la seule qui existe dans le coin ? Vous qui connaissez la ville et surtout son histoire, que savez-vous à ce propos ? »

Héléa s'essuyait les cheveux dans le plus simple appareil quand on frappa à sa porte. Enfilant quelque chose rapidement, elle ouvrit ensuite la porte et fit entrer ses camarades. Même Laurel, pensa-t'elle. Ce ne fut qu'une fois tout le monde entré qu'elle parla:

« Bien, avant toute chose, je tiens juste à vous prévenir que j'ai raconté une histoire légèrement différente aux familles. J'ai éclipsé le rôle du frère d'Ameiko dans cette histoire et j'ai donné le beau rôle aux ouvriers sur place, arguant qu'on était juste venu finir le boulot. J'ai pas parlé du massacre ni rien, juste qu'ils sont partis bravement en en emportant le maximum avec eux.

Bref, vous, vos journées? Quelque chose du coté de la fiancé du trou du cul ou bien, avec Ameiko? »

Négligemment, la prêtresse sortit son arme et, armée d'un chiffon, entreprit de la nettoyer comme il se doit.

« Pour les défenses de la ville, ça va être coton » commença Mérisiel
« Sur les 5 accès à garder, seulement 2 sont tenables sans trop de difficulté :

• le surplomb de la plage qui mène au tunnel de la verrerie, 5 archers devraient pouvoir suffire.
• le mur du nord, il est tenu par des gardes compétents qui ont même rajouté des pièges pour faire de la bouille verte.

Ça se complique pour les 3 autres :

• l'autre plage, elle se situe juste au nord de la tour écroulée, elle est passablement transformée en décharge. Je ne sais pas comment ils ont envisagé de passer par là, mais c'est dans les plans du carnet de l'autre malade. Pour défendre ce truc, il faudrait avoir une position stable, mais même au surplomb le sol est gluant ...
• les 2 ponts de l'Est, assez larges pour 2 combattants ou 3 gobelins de front.
  Je pense que si on pouvait construire un genre de palissade prête à redresser ça pourrait aider, mais je ne sais pas si on a ne serait-ce que le temps pour construire des trucs pareils ....

Bref, il y a du boulot ! »

« Hrmmm... »

Héléa réfléchit simplement avant d'ajouter:

« Une barricade, ça brûle. Une solution plus définitive s'impose.

Il faudrait détruire un des ponts. Ça forcerait le passage sur un seul et permettrait de mobiliser les gardes sur un seul accès à surveiller plutôt que deux. Si encore ils passent par là, bien sur. De toute façon, il faudra en discuter avec la mairesse et le capitaine de la garde.

Et on a un peu de temps, Merisiel. Mais pas beaucoup... Au pire, quelques heures. Au mieux, un ou deux jours. Regrouper une armée, ça prend du temps. Et les gobelins ne sont pas juste à coté... Le tout est d'espérer que l'éclaireuse que la cité a envoyé nous préviendra à temps pour qu'on se prépare. »

« Moui ... » confirma l'elfe « en parler à Madame la Mairesse s'impose ... »

La chambre d’Héléa, transformée en quartier général, était un bon point de raliement pour parler des découvertes de chacun. C’était beaucoup mieux que de parler dans la taverne, avec tous ces gens autour.
Elle fut déçue que personne ne remarque sa nouvelle armure, toute neuve, un peu comme une femme qui vient d’acheter une nouvelle robe et que personne ne le remarque. Tant pis…
Quand vint son tour de parler, Chorune compléta les informations de Borscht. Non seulement avec ce que leur avait dit Ilsoari ou ses propres parents, mais aussi par ce qu’elle savait sur une autre affaire qui s’était produite à Pointesable dans les mêmes périodes…
« Oui, Nualia était une aasimar. Elle a eu une enfance assez difficile à cause de cela, les gens la prenant pour un porte-bonheur, lui tirant les cheuveux pour s’en servir pour éloigner le diable, et tout ça. » Chorune fit un geste vague de la main, comme pour englober toutes ces superstitions autour de ces descendants des anges.
« Et… C’est bizare, mais à force que tout le monde l’aime, des gens ne l’aimaient plus. Des … habitantes … du village lui ont fait un sale coup, avec l’aide de Daivon, un des gardes qui était amoureux d’elle et qu’elle rejetait. Elles l’ont enfermée dans la porcherie d’Olmur. Il y avait Katrine, la fille de Ven Vinder qui tient le bazar, et Jazabel, une fille qui a déménagé à Korsova… et ma cousine, Laurende. » avoua-t’elle. De toute façon, Borscht était déjà au courrant.
« Ma cousine a été prise de remords et a été la libérer. Mais elle avait des yeux qui lançaient des éclairs. Depuis, son attitude avait changé…
Un an plus tard, la cathédrale brûlait. »
Se rappelant de ce qu’avait dit Borscht, Chorune précisa : « L’homme dont Nualia était amoureuse était Derek de Magnimar. Les Mvashti, qui viennent de là-bas, se rappellent peut-être de cet homme… »

Après un bref silence, Chorune en vint à donner une autre information. Capitale, à ses yeux.
« Il y a une autre histoire qu’il faut que vous sachiez. Elle est arrivée un mois avant l’incendie de la cathédrale.
Il y a eu une série de meurtres à Pointesable, que l’on appelle les massacres de Jervis Stoot. Pendant quasiment un mois un nouveau cadavre était retrouvé chaque jour : celui-ci portait de nombreuses traces de lacérations au niveau du thorax et du cou. Les mains et les pieds étaient tranchés et empilés à proximité mais la langue et les yeux de chaque victime étaient manquants. Jervis Stoot les utilisait pour un rituel démoniaque qu’il faisait dans un temple maudit construit sous sa maison. Quand il fut prit, on le trouva derrière son autel démoniaque. Il s’était lui-même tranché la langue et les yeux pour servir de dernière offrande. »
Chorune déglutit. « Ces histoires me paraissent trop rapprochées pour être de simples coïncidences. »

« Et bien... Pour un petit bled paumé, il s'en passe des choses ici. »

La mine annonçant une intense réflexion, Héléa semblait perdue dans ses pensées. Elle demanda de façon hésitante à Chorune:

« Quand je suis arrivée en ville, Ameïko m'a dit que le fantôme du découpeur hantait l'île au nord de la cité mais que personne n'était allé vérifier. Est-ce que c'était le nom qu'on lui donnait? Parce que j'irais bien visiter, du coup... Mais demain. »

La prêtresse soupira en se relevant. Ils pouvaient émettre toutes les hypothèses du monde, ça ne servirait à rien s'il ne les vérifiait pas. Mais là, partir, c'eut été de l'imprudence si il s'avérait que c'était quelque chose de dangereux. Aussi ajouta-t'elle:

« Allons manger, boire et faire la fête. Et peut-être trouver quelque chose de passable à faire après. De toute façon, là, on ne peut rien faire de plus alors autant profiter de la vie tant qu'elle est là. Mais d'abord...

Pourriez-vous quitter ma chambre que je finisse de m'habiller correctement? »