Les yeux de Chorune luisaient d’une fureur sauvage. Déçue, elle vit ses adversaires venir l’abattre. Elle aurait tant voulu courir vers eux pour les trancher en deux d’un mouvement de son épée !
Ne ressentant aucune douleur à cause de sa blessure, juste une exaltation supplémentaire, elle balança son arme contre son agresseur. « Ha, ha ! Tu aurais du fuir, pourriture de vers de terre ! »
Encore une fois, Chorune frissonna du plaisir éprouvé par la prise d'une vie, si minable soit-elle, alors que la moitié haute du corps du gobelin s'écrasait en bouillie contre le mur.

Voyant la jeune barbare au corps à corps avec de nombreux ennemis, Laurel encocha une nouvelle flêche, banda son arc et fit de son mieux pour en tuer un des deux.

Se décalant pour avoir une meilleure ligne de vue, Mérisiel décocha une nouvelle flèche, cette fois sur l'un des gobelins encore survivant.

« Bon chien, allez, un petit dernier. »

La pretresse laissa son chien passer devant pendant qu' il reniflait la piste du gobelin parti se cacher.

Voyant lui aussi l'hideux gobelinoïde s'enfuir, Laurel sauta sur la table et couru jusqu'au bout avant de décocher une flèches.

Le gobelin restant décida de fuir, au grand dam de Chorune. Le lot de sang qui lui été promis s’en était allé.
Incapable d’arrêter seule sa fureur tant que des adversaires restaient debout, elle le poursuivit en hurlant, abattant en bout de course son épée sur le dos du gobelin.

Impossible d'être tranquilles ici tant qu'il reste encore un seul gobelin libre de ses mouvements ... déterminée, c'est avec cette pensée catégorique que Mérisiel s'élança, concentrée, dans la direction de la suite du Gobelin ...

« Laurel, ouvre les fenêtres pour mettre un peu de lumière dans le coin. Pète les si il faut! Ca leur donnera du boulot quand ils reviendront... »

Héléa serra la garde de son arme et continua d'avancer en direction des fenêtres.

Aussitôt après qu'Héléa eu finit sa phrase, Laurel ouvrit les volets afin d'éclairer la zone.
S'il pouvait trouver une qualité à la prêtresse, c'est que lorsqu'il fallait prendre des décisions en situations critiques, elle le faisait rapidement.

Les adversaires hors de portée, la fureur de Chorune s’en alla, avec une sensation fugace de déception : Tout cela avait finalement été trop rapide. Les épaules affaissées, l’adolescente tenta de reprendre son souffle. Elle contempla le massacre qu’elle venait de perpétrer.

Pourtant, cette fois, elle ne s’apitoya pas sur son sort. Pas devant ses compagnons présents dans la salle : Héléa lui dirait certainement encore une fois qu’elle avait fait « ce qu’il fallait »… Même si la manière n’avait pas été ce qu’aurait souhaité la couturière.
Mais surtout, pas non plus devant ce décor d’horreur. Tant de morts, là, depuis des jours ! L’homme vitrifié était la « pièce » la plus terrible de ce spectacle macabre. Jamais Chorune aurait imaginé que des êtres vivants puissent être aussi cruels. Ces gobelins ne méritaient qu’une mort atroce, pensa Chorune, laissant ses plus bas instincts prendre le dessus quelques instants. Les préceptes de son grand-père ou de Sarenrae étaient bien loin dans l’esprit de la jeune fille. Machinalement, sa main droite raffermit sa prise sur son épée. Vraiment dommage qu’il n’y ait pas plus de gobelins présents pour goûter à sa fureur.

Chorune se fit un devoir de mémoire. Elle déambula parmi les cadavres humains, essayant de reconnaitre ceux qu’elle pouvait.

« Hrm... »

Héléa pointa un des gobelins:

« J'en stabilise un ou deux pour un interrogatoire futur? Pas dit qu'on obtienne grand chose mais bon... Toute info sur ce longue jambe, si ils y sont liés, pourraient être utile... Et puis, je suis sure que notre copine rôdeuse doit parler leur langue. »

La prêtresse se tourna vers son chien:

« Oui, oui, j'arrive, attend. Merisiel, tu peux ouvrir la fenêtre à coté de toi, j'te prie. »

« Mmmm » Mérisiel s’élança en courant ....

Elle ouvrit rapidement les rideaux de la dernière fenêtre de la pièce avant de franchir la porte par laquelle étaient sortis le gobelin et le chien à ses trousses ...

« C'est le père d'Ameiko... » dit simplement Chorune en identifiant son cadavre. Même si Chorune n'était pas une experte en art, elle ne put que constater que si l'oeuvre n'avait pas été aussi macabre, elle aurait été admirable. « Ce ne doit pas être une de ces saletés de gobelin qui a fait ça... »
Une voix au fond de Chorune lui souffla qu'elle réserverait bien le même sort à celui qui avait de tels talents... et qu'elle y prendrait probablement beaucoup de plaisir.
Mais à quoi je pense, moi ? se reprit-elle avec horreur.

Le barde s'appuya contre le rebord d'une table.
L'air dans les nuages, il examina la scène sans prononcer un mot, évènement assez rare pour le faire remarquer. Alors que son regard se perdait ça et là sur les cadavres des gobelins et les corps inertes des ouvriers, il commençait à se demander ce qu'il pouvait bien faire là. De toute évidence, il n'avait pas l'habitude d'un tel spectacle et son estomac le lui fit bien comprendre lorsqu'un haut le cœur le pris, risquant de peu de lui faire rendre son déjeuner.