Chorune secoua la tête, désolée. « Maman... La ferme n’est pas plus sûre. Les gobelins préparent quelque chose, tout ce que nous avons affronté jusqu’à maintenant n’est que le début. Nous nous perdrons si nous rentrons à la ferme » tenta la jeune fille pour convaincre sa mère. « Et... j’ai la conviction que grand-père est à mes côtés pour me soutenir. Il m’a appris à me battre, et maintenant, je suis là pour aider Pointesable. »
Chorune en pleurait presque, mais sa décision était prise. Il était hors de question pour elle de s’effacer, d’arrêter, alors que tant de dangers menaçaient la cité. « Et je suis bien entourée, avec des gens très compétents... »

« Ecoute, il faut peut-être que je sois mieux protégée pour te rassurer ? Tonton, qu’est-ce que je pourrai acheter, pour cela ? » Et aussi qu’est-ce qu’il serait possible d’acheter ?

« Bonjour Madame.
Nous somme ravis de venir vous présenter nos hommages.
Et aussi vous féliciter au passage. » dit Mérisiel du ton le plus aimable.

« Bien le bonjour ma Dame. » Laurel s'avança un peu plus en avant pour essayer de calmer cette mère apeurée. Et en colère.
« Tout d'abord permettez moi de me présenter. Je me nomme Laurel et je suis effectivement l'un des amis de votre fille.
Et c'est en tant qu'ami, et le plus humblement du monde, que nous venons nous enquérir de l'état de Chorune. » Après cette phrase il laissa le temps à la femme de l'accabler un peu plus.

« Je comprends tout à fait votre ressenti. Mes parents m'ont fait part des mêmes peurs et incertitudes le jour de mon départ.
La vie que nous avons choisi est dangereuse. Je ne peux vous mentir quant à ce fait. Mais le plus important, la seule chose que nous souhaitons garder à l'esprit, c'est que nous l'avons choisi.
Et la seule chose que nous voulons recevoir c'est l'approbation de ceux qui nous sont cher. Parce que nous le faisons pour ce qui nous semble être LA bonne raison. »

« Je vois que tu vas bien Chorune. Tu m'en vois ravi et soulagé. » Il se retourna de nouveau vers Desba.
« Ma dame, croyez bien que je n'ai aucunement voulu me montrer ni outrancier ni moralisateur. Seulement, j'aurais aimé être capable de dire ses mots à mes propres parents. Pour au moins qu'ils me comprennent, à défaut de me donner leur bénédiction.
Enfin. Je ne veux pas vous déranger plus que cela et me permet donc de prendre congés. »
Saluant bien bas l'assemblée, le barde commença à se diriger vers la sortie.

Se faire agresser dès qu'elle rentrait quelque part était quelque chose qu'Héléa n'appréciait pas. Et si en temps normal, elle aurait réagi en cognant les impétueux, elle allait éviter de frapper la mère de Chorune. Aussi ajouta-t'elle simplement:

« Vous savez, mon père a aussi essayé de m'empêcher de mener cette vie, en me tenant à l'écart du monde. Et j'ai quand même fini par devenir ce que je suis parce que le hasard ne m'a pas laissé tranquille, lui.

Vous ne pourrez pas l'empecher de faire ce qu'elle veut, juste la rendre malheureuse. Mais si je peux vous promettre quelque chose, c'est que je m'efforcerai de tout faire pour la maintenir en vie et m'assurer qu'elle rentre chez elle, auprès de vous.

Les amies sont là pour ça, apres tout. »

Se tournant vers la blonde, la brune demanda:

« Tu es remise complètement ou tu as besoin que je jette un oeil? »

Le cœur d'Ashley se serra un peu en entendant les craintes de la mère de Chorune. Elle entendit les arguments de Laurel et d'Héléa, et cela la fit cogiter un moment. Aussi était-elle restée en arrière, à contempler ses chaussures...

Je pensais qu'ils pouvaient rentrer chez eux quand ils voulaient... Mais on dirait que d'une certaine manière, Laurel aussi a perdu ses parents... Quant à Héléa... Elle a l'air d'avoir eu quelques soucis de ce côté-là, elle aussi...

Certes, Ashley était la seule orpheline, la seule qui avait vu ses parents mourir, de façon odieuse qui plus est... Mais même s'ils n'avaient pas en eux la profonde tristesse qui l'étouffait chaque jour, cela n'avait pas l'air plus facile pour autant.

Elles aussi, elles vont finir par se fâcher à cause de ça...

Cependant, les autres avaient déjà dit ce qu'il y avait à dire sur le sujet, et elle ne se voyait pas en rajouter une couche auprès de Desba, qui de toute façon n'avait pas l'air d'écouter quoi que ce soit. Aussi attaqua-t-elle sous un autre angle. Car même si elle ne la connaissait que depuis peu, les moments qu'ils avaient vécu tous ensemble dans les souterrains avaient été intenses, et elle y avait vu Chorune. Et elle voyait maintenant Chorune auprès de Desba, Desba auprès de Chorune...

« Chorune », dit-elle doucement... « C'est ta maman. C'est normal qu'elle ne veuille pas te perdre. » Elle fit une petite pause, avant d'ajouter « N'est-ce pas, madame ? »

Elle ne pensait pas changer le cours des choses, ni faire réfléchir les deux femmes. Les mots avaient jailli, simplement, en pensant à sa maman qui lui manquait tant.

« C'est normal, c'est naturel.
Mais tôt ou tard les oisillons quittent le nid
et volent de leur propres ailes.
Rien n'efface l'amour d'une mère
Mais une mère peut perdre sa fille à trop vouloir la garder
Cela s'est vu plus d'une fois. Et à chaque fois des cœurs sont brisés. » signala Mérisiel courtoisement

« Si Chorune veut nous accompagner pour faire son Devoir pour Pointesable, elle est la bienvenue dans nos rangs.
Si elle préfère, de son choix à elle, rester auprès de vous pour tenter de vous protéger toute seule contre les hordes de gobelins qui vont déferler sur la ville, je ne vois pas de bonne raison de m'y opposer. Mais pendant ce temps, nous, nous seront massés et armés aux points stratégiques pour les empêcher de se répandre.
Nous manquerait-elle si elle n'était pas là ? assurément !
Serait-elle plus à l'abri seule ici qu'entourée de nous ? certainement pas. »
ajouta-t-elle à la cantonade avant de se focaliser sur la mère angoissée
« J'étais venue vous féliciter, Madame, d'avoir mis au monde une jeune fille si valeureuse et impressionnante à la bataille.
Laissez-là faire son choix en conscience et bénissez-la de tout votre amour. Ainsi elle vous reviendra, fière de ses exploits accomplis et le cœur emplis d'une douce reconnaissance filiale.
Si vous lui refusez votre soutien aujourd'hui, le jour où elle vous quittera -et il arrivera bien plus vite que vous ne le souhaitez- , elle risque fort de ne plus jamais vous revenir. Croyez-en ma longue expérience. »

« Rhôoo ! Mais non, maman, je veux pas te tuer, quand même ! » Chorune ne savait comment convaincre sa mère. Mais était-ce possible ? Une Camovar décidée avait la tête dure, et la blondinette en était aussi l’exemple.
Surtout, l’inquiétude de Desba ne pouvait être amoindrie : Chorune avait bel et bien risqué sa vie à chacun des combats qu’elle avait menés, et l’état dans lequel elle était rentrée du dernier n’allait pas rassurer sa mère. Falthryr, un homme ayant son fils ainé déjà engagé dans la garde, était certainement moins surpris des orientations de sa nièce.

La dispute fut interrompue par l’arrivée des amis de l’adolescente, venus s’enquérir de sa santé. Les nouveaux venus, rendus responsables de la situation, furent immédiatement agressés par Desba. Les épaules de Chorune, alourdies, s’affaissèrent. Les propos moralisateurs ou rassurants ne changeraient rien à l’attitude de sa mère.
« Bonjour. Non, Héléa, ça va, merci... » L’adolescente se leva pour se rapprocher de ses compagnons et les saluer. Elle boitait étrangement, son pied gauche faisant un mouvement anormal vers sa jambe droite à chaque pas. Son genou gauche semblait un peu raide. D’un geste, elle indiqua que ce n’était rien.

D'un léger battement de cils accompagné d'un froncement de sourcils, Mérisiel indiqua à Chorune
qu'elle avait repéré son état, mais qu'elle n'allait pas en rajouter devant cette mère inquiète.

« Hrm... Tu as encore besoin d'un peu de repos et de bons petits repas mitonnés par ta maman. »

Héléa se tourna vers la mère de Chorune:

« Madame, les gobelins redoublent d'ardeur en ce moment et voyager pourrait s'avérer dangereux. Des hommes sont partis quérir des renforts pour arranger la situation et jusqu'à leur retour, il vaudrait mieux repousser un quelconque voyage, pour votre sécurité. Cela donnerait aussi à Chorune plus de temps pour récupérer. »

Et pour vous faire changer d'avis.

« Meuh non, c’est rien. Juste un coup pris hier, ça va partir d’ici quelques jours… » protesta Chorune avec les accents du mensonge, concernant sa jambe un peu folle. Elle savait d’où venait cette « blessure », et qu’elle ne partirait que lorsqu’elle s’abandonnerait totalement à son ancêtre. Mais, grâce à l’aide de son grand-père, elle était décidée à ce que cela n’arrive jamais.
Qu’est-ce qu’ils ont tous, aujourd’hui, à me renvoyer au lit ? protesta Chorune mentalement. Peut-être le fait qu’elle était restée inconsciente après son dernier combat ? Mais la mauvaise foi de l’adolescente avait déjà repris le dessus.

Chorune avait parfois l’impression que l’image que sa mère conservait d’elle datait d’il y a dix ans. Aussi tenta-t’elle une autre approche mêlant maladroitement maturité et propos rassurants : « Maman, tu sais, j’ai découpé des gobelins en morceaux et combattu un démon – d’accord, il était tout petit, le démon, et les gobelins, c’est pas bien gros, mais quand même – alors, je ne suis plus une petite fille, hein ? »
Elle concéda un peu de terrain : « Un peu de repos me fera du bien, d'accord... Je vais me reposer quelques jours ici... »

Borscht avait suivi le groupe afin de voir comment aller Chorune cependant une fois arrivé, ne sachant que dire il attendit en silence et légèrement en retrait. Il ne voulait pas envenimer la situation en montrer son visage scarifié, les gens n'étaient généralement pas à l'aise lorsqu'ils le voyaient.

Durant trois jours, Chorune essaya de passer le plus de temps possible avec sa mère. Pour la première fois de sa vie, elle se sentait adulte, et lui parlait différemment, plus comme une enfant. Desba fut obligée de reconnaitre la maturité nouvelle de sa fille. Elle prit acte de son évolution. Cela plaçait une distance entre elles deux, même si l’amour mère-fille ne se tarissait pas, mais aussi les rapprochaient, les rendant complices de par leur vie commune.
Finalement, aucune des deux ne décevait l’autre, et elles se mirent à rire et à pleurer comme deux amies de longue date.
Lors de ses entrainements quotidiens, elle se découvrait de nouveaux talents martiaux. Etait-ce son expérience des combats, ou l’observation de ses amis qui lui avaient appris tout cela ? Il lui semblait que son grand-père, auquel elle pensait souvent, venait lui souffler de nouvelles techniques, comme s’il continuait les leçons qu’il lui donnait lorsqu’il était encore en vie.

A l’appel de Vic, Chorune se rendit à la mairie. Elle fut effarée de constater que l’ensemble des renforts se limitaient à dix hommes. « Mais... mais c’est des armées de gobelins qui vont déferler ! Laurel, tu peux leur expliquer, toi ! »

Héléa avait passé ses 3 jours hors de l'auberge ou presque. D'abord en la quittant tôt le matin pour aller "exprimer" ses vœux d'allégeance à Gorum sans déranger personne et ensuite, en rejoignant la nouvelle cathédrale pour y travailler sur des parchemins, demandant la faveur au père Zantus de pouvoir disposer d'un petit écritoire pour faire son travail tranquillement. Elle savait qu'à l'auberge, elle risquait d'être dérangée, aussi il valait mieux qu'elle s'isole. Ce ne fut qu'une fois ses tâches magiques achevées qu'elle se mit à ses exercices. D'abord, un peu de course pour rejoindre la caserne et, sur place, aider le vétéran de garde à entraîner les recrues, évitant toutefois de lui lancer un défi une nouvelle fois. Non pas qu'elle doute qu'elle aurait pu le battre mais elle n'en voyait pas l'intérêt. Si les gobelins attaquaient, ils auraient besoin de toutes les forces disponibles.

Et ainsi, 3 jours passèrent, trop rapidement, et le 4ème, alors qu'ils se rendaient chez la maire, elle reconnut l'un des membres de son église et lui rendit son salut de la tête avant de rentrer dans le bâtiment... Avant de déchanter. L'officier en charge des renforts n'avait pas l'air très convaincue de leurs rapports. Aussi Héléa regarda les autres et ajouta:

« Nous avons trouvé un journal, présentant les défauts de cette cité et présentant divers plans pour l'envahir, préparé par l'un des habitants de la ville. Il y raconte aussi une histoire de rituel et la raison pour laquelle les gobelins ont attaqué lors de la fête de la ville.

Pour le moment, tout ce que nous avons pu lire dedans semble vrai... Tenez, jetez y un oeil. »

Fouillant son sac, elle en sortit le carnet rattaché par une simple cordelette de cuir, vu qu'elle en avait découpée la reliure précédemment, avant de l'étaler de nouveau sur la table.

« Il vaut mieux causer un trouble maintenant qu'un désastre si les événements fâcheux se produisent. Mais en cas de besoin, nous sommes là. »

Une fois sortie et l'argent empôché, Héléa nota que le porteur d'armure au symbole de Gorum était toujours là, aussi se dirigea-t'elle vers lui:

« Bonjour. Je ne pensais pas croiser un autre fidèle de Gorum à Pointesable. »

Chorune regarda les gardes, puis la Maire, repartir à leurs occupations. Ses compagnons et elle avaient fait ce qu’ils pouvaient, et les hommes de Magnimar avaient compris le danger pour PointeSable. Ces soldats protégeraient la ville.

Enfin déchargée officiellement de ses obligations après plusieurs jours de rondes en la ville, Chorune se tourna vers ses compagnons. « En plus de cet argent, nous avons aussi ce que nous avons récupéré en bas, dans les tunnels. » Elle tapota sur son épée magique, mais d’autres avaient conservé d’autres choses. « Il faudrait peut-être vendre tout ça, non, et s’équiper en vue de la prochaine bataille ? »
Chorune tenait à honorer la promesse qu’elle avait faite deux jours plus tôt à sa mère, et à obtenir des équipements de protection. Même si les gobelins n’étaient pas des adversaires si farouches, il fallait tout de même ne pas succomber à leur nombre. Et ils étaient peut-être aidés d’une succube, ou elle ne savait quel autre démon.

Chorune souhaitait aller rencontrer les marchands sur la place, afin de revendre son épée et voir ce dont ils disposaient.
Ensuite, elle s'organiserait pour la journée : Un passage sur la tombe de son grand-père s'imposait, elle qui le sentait toujours plus présent, et un petit tour à la Cathédrale pour prier ne pouvait plus attendre. Il lui arrivait de rêver au pardon de Sanrenrae, et elle avait hâte de la remercier pour cela.

Ce chapitre n'était pas encore terminé. Iils allaient devoir s'y coller cette fois encore, l'aide des gardes étant plutôt faible face à la menace qui pesait sur Pointesable.
Sachant cela, Laurel jugea que le moment était parfait pour aller se la couler douce quelque part.
Il arpenta les rues du village, pour finalement en sortir et flâner près du bois.

Mérisiel décida d'aller voir auprès de la caravane marchande si,
effectivement,
ils n'auraient pas pour elle des articles de nature à lui faciliter la tâche à venir et les autres qui pourraient suivre ....