« Tu te débrouilles avec les mots, Joséphine. Et je l'ai dit, je ne tenais pas vraiment à avoir à te subir, en arriviste que tu étais, qui s'invitait à une sortie pour laquelle Aldern s'adressait à ceux qu'il appelait les héros et ses sauveurs.. Et dont tu ne fais pas partie...

Mais je chipote, n'est-ce pas? C'est normal, tu es un homme, tu n'entends que ce que tu as envie d'entendre et fais ce qui t'arrange quand tu le souhaites. C'est typiquement masculin, ça, on ne peut décemment pas t'en vouloir pour si peu... Tout comme user de lieux communs pour faire valoir une bravoure que je n'ai pas encore vu et une absence d'empathie pour ton interlocutrice dont les Frères et Sœurs se battent sur les fameux champs de batailles dont tu parles... Mais ça n'est pas ta faute, encore une fois... »

Se redressant et attrapant son arme, la prêtresse se dirigea vers l'escalier:

« Et une dernière chose: on ne dit pas "je m'excuse", on demande pardon ou on présente ses excuses. Là, tu t'excuses tout seul, avec cette phrase, sans que la personne en face n'ait son mot à dire...

Tu as encore quelques notions de savoir-vivre à apprendre, Joséphine. Ameiko, j'ai fini de jouer avec l'enfant, je vais prendre un bain... »

Alors qu'il voyait Héléa partir, son sang ne fit qu'un tour. Je fais l'effort de me montrer comme étant en tord pour redresser la situation, et elle choisie de me cracher au visage. Très bien, si elle veut tant que ça sortir en pavoisant et en m'humiliant je ne me retiendrais pas. J'y perdrai peut-être un bras mais que je sois maudit si je laisse les choses telles qu'elles sont. Sa lame tranche surement les corps avec aisance, mais mes mots écorchent aussi facilement les esprits.
« "Si ça peut m'éviter de me coltiner l'arriviste, tant mieux." » A défaut d'imiter la voix, il imita l'intonation avec laquelle la prêtresse s'était exprimer plusieurs heures plutôt. J'ai intérêt à finir de parler avant qu'elle soit de nouveau sur moi « Ceux sont tes propres paroles. Mais j'oubliais, c'est normal, une femme ne sait mettre des mots sur ces pensées mais reste persuadée que tout le monde prête assez attention à elle pour la comprendre sans la moindre marge d'erreur. Pour moi, cela veut uniquement dire que tu ne m'apprécies pas, comme tu me l'avais très bien fait comprendre hier soir. » La sagesse n'était pas son fort, mais il était loin d'être stupide, aussi quelques goûtes de sueur commencèrent à perler sur son visage.
« Et sache quand tant qu'homme, comme tu le fais si bien remarquer, je ne demande pardon qu'aux personnes qui en sont digne. Aussi je me refuse à le faire devant une gamine qui n'a que la force et la moquerie pour s'exprimer et qui est incapable de se remettre en question.
Alors tu me diras très certainement que tu as tes raisons, que ton enfance n'a pas était facile et que la vie ne t'as pas fait de cadeau, mais il va falloir grandir et commencer à te rendre compte que tu es loin d'être la plus miséreuse sur cette terre, sortir de ce mauvais genre que tu te donnes. Et surtout que tu n'es pas dispensée de montrer le minimum de respect auquel chacun à droit. »
Les derniers mots étant sortis de sa bouche, Laurel déglutit silencieusement. S'il avait peur ou le moindre doute en lui, ça ne se voyait pas. Et pourtant.

La prêtresse s'arrêta et tourna la tête un sourire mauvais sur le visage:

« Oh, je t'ai vexé, au point que tu doives retourner mes propos contre moi, pour trouver quoi dire? Je ne montre de respect qu'à ceux qui en sont dignes, pas à ceux qui s'avancent en pensant être en territoire conquis... Et le "c'est celui qui le dit qui l'est"... Très mature. Non, vraiment. Tu veux pas aller chercher ta maman pour lui dire que j'ai été méchante aussi? Je vous attends, mon petit...

Et non, je ne te tuerai pas, malgré ce que tu penses. J'ai très envie de voir ce que diront Mérisiel, Chorune et la petite, sur ce que tu penses des femmes et voir la réponse à cette fameuse proposition que tu as à faire... »

« Nous pourrions nous renvoyer la balle longtemps visiblement. Bien qu'auprès d'une cou... » Et merde, tu perds la raison espèce d'abruti. Si tu dois laisser la première personne venue réussir à te faire dire ce que tu ne dois pas, autant rentrer chez toi tout de suite et implorer pardon.
« Non, tu sais quoi, je m'incline. Tu peux aller prendre ton bain victorieuse. Chacun ici a pu constater que tes vers son capable d'ébranler un barde et je t'en félicite. »
S'inclinant d'une manière théâtrale, exagérée au possible il ajouta « D'ailleurs je vais maintenant fuir sans demander mon reste. »

Passant devant Ameiko, il lui susurra « Désolé pour l'agitation, vraiment. » Après quoi il quitta la taverne à grande enjambée.

Chorune tapa du pied. « Ho ! Mais vous avez fini ? »
Quelles discussions stériles ! Et très agressive. Bien loin des préceptes de Sarenrae, en tout cas.
« Héléa, c’est pas parce que t’es amoureuse de Laurel qu’il faut le draguer aussi ouvertement, hein ? » Pfff. Dès qu'il y a des mecs mignons, y a toujours des rivales.

Chorune se précipita à la suite du barde. « Viens Laurel. Héléa est un peu soupe-au-lait, des fois, mais ça finit par passer. » Heu… quoi qu’en fait j’en sais rien.
La barbare prit le (beau) barde par la main. « Reviens, nous allons boire un verre, pour nous remettre de cette chasse… si tu veux bien. »

Le comportement naïf de Chorune radoucit les humeurs de Laurel. Il aurait presque pu sourire s'il n'avait pas risqué de se vendre.
Malgré sa colère, il afficha un large sourire avant de s'adresser à la jeune femme « Je sais bien que ce n'est qu'une dispute passagère, mais j'ai tout de même besoin d'aller faire quelques achats pour la suite de mon voyage. Demande à Ameiko de garder une chope de son meilleur alcool pour moi, je reviens très vite. » Il lâcha la main de Chorune le plus délicatement possible, faisant attention à ne pas la froisser elle aussi.
La compagnie lui allait mieux que la solitude, mais au moment présent, il avait vraiment besoin de passer quelques instants seuls. Cet état d'esprit se retrouva vite sur son visage une fois que son dos faisait de nouveau face à la tablée.

Chorune fit attention à commander quelque chose sans alcool, cette fois. Faudrait pas que je finisse comme hier soir…
Heureusement d’une constitution robuste, ou simplement grâce à l’exercice de la matinée, ou encore parce qu’elle était suffisamment jeune pour se remettre vite de ces choses-là, Chorune ne ressentait pas beaucoup les effets de ses frasques de la veille.

« Celui de ce matin non plus. Enfin tranquille, sans Joséphine... Ah oui, tiens. »

Tournant son regard vers Chorune, elle ajouta:

« Je te serai gré d'éviter tout commentaire sur ma vie amoureuse. Elle ne regarde que moi... »

Pas étonnant qu’elle soit toute seule : Elle ne pense qu’à elle. La pauvre. Il faut que je lui dise…
« Ben non. Ta vie amoureuse regarde aussi l’homme que tu aimes. » répondit la couturière avec un haussement d’épaule et un léger froncement de sourcil, preuve de l’intense réflexion qu’elle venait d’avoir. La phrase avait été énoncée sans volonté de provoquer, ni de se moquer. Juste une évidence.
« Et les femmes qui seraient intéressées par le même homme. » ajouta-t’elle sur un ton professoral, explicatif. Quelque chose disait à Chorune que c’était d’ailleurs cette dernière remarque qui était la plus importante.

Chorune se replongea un instant dans son jus de cerise, le regard en biais pour observer les réactions de la prêtresse de Gorum. « Alors… hum… avec Laurel, tu envisages de… hum… »
Chorune faisait encore la preuve de ses qualités de finesse psychologique.

« QUOI? »

Héléa se redressa, renversant verre et bouteille sur la table:

« Non mais tu m'as bien regardé? Moi avec... ça? Tu dérailles, ma fille? Attend...

Toi... et lui? C'est donc ça? Tu veux être avec lui? Mais fais donc, ma grande! »

Eclatant de rire, elle se rassit brutalement, bousculant de nouveau la table sous le regard noir de Beorn qui venait juste de tout remettre en place. Elle ajouta alors, la voix pleine de tristesse:

« Je suis une prêtresse de Gorum, Chorune. Ma place est là où elle doit être... Je n'aurai peut-être pas l'opportunité de vivre jusqu'à ma trentième année, ni même d'avoir le temps de fonder une famille. Tu crois vraiment que j'ai le temps de m'embarrasser d'une relation sérieuse? De prendre le risque de faire des enfants pour les laisser orphelin? Non, ça, je ne ferai pas ça... Je sais trop ce que c'est que de grandir sans mère...

Je n'infligerai pas ça à mes enfants. »

Usant de sa dextérité pour rattraper son verre de jus de cerise au fur et à mesure des grands gestes de la prêtresse, Chorune rougit quand elle parla de Laurel et elle. Mais elle était soulagée : Héléa n’avait aucune vue sur le barde.
Ces sentiments furent vite balayés par l’émotion suscitée par les aveux de la vindicatrice. Cette dernière avait grandi sans mère, certainement décédée « avant trente ans ». Et elle envisageait qu’elle subirait le même sort.
« Excuses-moi… Je ne savais pas. »
Chorune but quelques gorgées en silence. « Remarque… moi, j’ai à peine connu mon père. » Ce couard avait été avantageusement remplacé par son grand-père, Salfon. Mais ce n’était pas la même chose.

« Bah, ne t'en fais donc pas. Ca ne fait pas mal, quand on y pense pas! Et l'alcool aide pour ça! »

Vidant son verre d'un trait, elle s'en servit un autre et leva son verre pour trinquer:

« A nous deux, on fait la paire! A nos parents qui n'ont visiblement pas du s'amuser tous les jours! »

La prêtresse enchaîna ensuite, un sourire malicieux sur le visage:

« Remarque... On peut toujours présenter nos parents l'un à l'autre! Je ne sais pas si ça serait une bonne chose mais ça serait drôle. Enfin, je crois... »

« Non. Ma mère ne rit pas tous les jours. » répondit Chorune, l’air pensive.
Elle prit une moue dubitative. « Ma mère et ton père ? Je ne crois pas que ma mère souhaite se remarier… » Mais après tout, c’était plutôt son affaire. « Et qu’on soit demi-sœur ? » ajouta-t’elle, en riant, remarquant cette relation.

« Ah, oui oui oui oui oui... Je peux décemment pas être ta demi-soeur, on me reprocherait quand tu te comporterais mal... Même si j'y étais pour rien! »

Voyant Laurel revenir, elle ajouta:

« Tiens, regardez qui est de retour... »

Accordant un sourire malicieux à la blondinette, la prêtresse se redressa et héla le barde:

« Hé, Joséphine! Viens donc voir par là, faut qu'on cause... Chorune, pousse toi un peu pour lui faire de la place... »

« Il se trouve qu'un peu de calme m'a amené à la même conclusion. »

Laurel s'approcha de la table et s'adressa à Ameiko. « Si le verre est toujours d'actualité je ne suis pas contre. Quelque chose de fort s'il te plait. »
En d'autres circonstances, il se serait montré bien plus familier, mais pas de suite.

Regardant de nouveau Héléa « Et donc, de quoi voudrais-tu parler ? »

« Moi? De rien. C'est toi qui a quelque chose à nous dire, non? Tu parlais pas de nous demander un truc?

A moins que t'aies changé d'avis. »

La prêtresse s'installa confortablement et attendit...

« En effet. Et ta remarque tombe à point nommé car je suis là pour cette raison. »
Laurel pris alors une longue rasade du verre qu'il avait commandé.

« En espérant avoir toute votre attention, j'ai une demande à vous soumettre. Vous n'êtes pas sans savoir, pour la plupart d'entre vous tout du moins, » il jeta alors un bref regard en direction de Chorune, qui jusque là avait réussi à le surprendre à chaque fois par sa naïveté touchante, « que le monde en dehors de nos petits havres de civilisation regorge de toutes choses. Et par "toutes choses", je veux dire que peu importe ce qu'une personne désire, ce monde peut le lui apporter. Mais, car il y a toujours un "mais", ce monde respecte une loi universelle : "Rien n'est jamais gratuit". »

Il fit une pause dans son discours. Laissant à tout le monde le temps trouver ce qui lui donnerait raison. Car même les plus humbles ont quelques choses à désirer.

« Le coût de nos envies revêt là bas de nombreux aspects, son favoris étant de loin la violence et comme vous pouvez le constater, je ne suis pas homme à me vanter de pouvoir y faire face seul. Ce qui au final est une force, car ceux qui le pensent réellement sont morts.
Ce qui m'amène à ma demande. Vous êtes tous plus ou moins qualifiés pour survivre à l'extérieur de ses murs, le fait que vous ayez vaincu un raid gobelin parle de lui même, aussi je vous pose la question : voulez-vous m'accompagner à travers ce vaste monde, et ce quel qu’en soit le motif ? » Se rappelant de la susceptibilité de la prêtresse il ajouta. « Ou, si vous comptiez de toute façon partir dans une quelconque aventure, auriez-vous l'amabilité de m'accepter au sein de votre groupe ? »