« Hi hi ! »

C'était rigolo, parce que justement, c'était un vulcain que Martigan avait goûté un jour. Il y en avait plein le champ dans lequel sa famille et toute la troupe avaient arrêté leur roulotte, une fois. Puis, quand les insectes furent repartis, il tapota le dos de Bucépholle pour le faire repartir. Il y avait au moins trois quarts d'heure qu'il n'avait rien mangé, une collation s'imposait !

Passant entre les tables sorties, il retourna à l'intérieur, là où la gamelle de son chien était restée.

Le lâcher de papillon avait en effet eu quelquechose de magique. Il avait accueillit un magnifique papillon et s'était réjouit à la vue de toute ses couleurs lors de son envol. Par la suite, il avait suivi les autres à l'auberge d'Ameiko, demeurant silencieux comme à son habitude; depuis son départ du clan shoanti, il avait pris l'habitude des longues marches solitaires, profitant des sons de la nature au lieu de se laisser aller à de vaines paroles inutiles. Aussi, la plupart de ses paroles étaient-elles directes, ne s'ennuyant pas de la subtilité ou de l'art du discours employé dans la plupart des villes.

En arrivant à proximité de l'auberge, il se tira une chaise à côté des deux shoantis.

Chorune était contente. La journée se passait bien, et la bataille du matin lui avait finalement permis de rencontrer de nouveaux amis.
Bien sûr, elle retrouverait sa famille plus tard, pour le bal, mais pour l’instant, elle restait volontiers avec son cousin, le nain, le halfelin, les deux elfes et l’humaine.

L’heure des discours pour l’inauguration de la cathédrale était venue, et ses compagnons et elle s’étaient fort naturellement rendus sur la place principale du village…
… quand tout à coup, un premier cri déchira le silence que demandait le prêtre. Puis d’autres…
Des ombres passaient sur le sol, alors que des voix inquiétantes ricanaient.

Chorune était en état d’alerte, se demandant ce qui arrivait encore. Son instinct anormal lui permit de repérer rapidement ce qui n'allait pas. Cependant, choquée, indécise sur ce qu'elle devait faire, ici, au milieu de tout le monde, elle ne réagit qu'après ses compagnons.

Samuel avait suivi le groupe, et écoutait le discours avec attention. Il ne comprenait pas grand-chose, mais il avait applaudi les charpentiers comme ils le méritaient, et rassemblait dans sa tête le maximum de concentration, lorsque le premier hurlement retentit. Vif comme un halfelin, il prit son arc et encocha une flèche, cherchant du regard ce qui pouvait bien être à l'origine des cris. Des gobelins ? Les vilains étaient souvent des gobelins.

Héléa avait patienté calmement sur la place, attendant que les menuisiers réparent le tas de bois. La patience n'étant pas sa qualité première, ni même une de ses qualités tout court, la jeune femme avait passé le plus clair de son temps à soupirer en observant les travailleurs et à discuter avec les autres de tout et de rien, surtout de rien. Quand le cri retentit, c'est avec la force de l'habitude que sa main droite vint saisir la garde de son épée accrochée dans son dos et qu'elle se mit à scruter la foule pour comprendre l'origine du cri:

« Je préviens, si y'as du rififi, pour une fois, ça sera pas de ma faute! »

Beorn avait suivit les autres à la grand place pour le discours, sans trop faire d'histoires ni de discours héroïques comme certains; pour lui, la vie était calme, tranquille. Il n'avait jamais compris l'envie des petites créatures de faire tant d'histoires pour si peu. Et aujourd'hui, il lui sembla que de nouvelles petites créatures se préparaient à faire parler d'elles. Par prudence, Beorn dégaina sa hache.

L'elfe s'était délecté de ce pittoresque spectacle. Une estrade qui s'eflamme le jour où un spectacle doit avoir lieu... Que c'est "humain"! pensa l'elfe, non peu ravi de pouvoir ponctuer sa journée de tels imprévus.

Lorsque les cris se mirent à raisonner dans la grande place face au temple, le mage pensa d'abord qu'il s'agissait d'une blague, mais lorsque le pauvre cabot sortit de sa cachette, la gorge tranchée, il dû se rendre à l'évidence; quelque chose clochait. Anuël s'horrifia de voir ainsi le pauvre chien, réduit à une morceau de chair tailladée.

Anuël n'arriva pas à voir ce qui se passait. Sa taille modeste, affliction répandue chez les elfes, l'empêchait de voir au dessus de la foule ce qui se passait plus au sud.

Mais enfin, que pouvait-il bien se passer pour qu'une telle panique se répande dans un si beau festival?

Un frisson parcourut la couturière. Le danger était présent autour d’elle, elle en avait l’instinct. Un sentiment de panique prit place dans l’esprit de la pauvre adolescente paumée. Ce devait être une fête, pas une journée où on égorge des chiens en riant ! Instinctivement, Chorune se rapprocha de Vic, son cousin si fort. « Qu’est-ce… »

Elle remarqua que la petite forme qui avait commis ce crime s’était cachée sous un étal, près de la fontaine. « Ici ! » cria-t’elle en pointant du doigt l’affreuse chose qu’elle avait du mal à identifier de là où elle était.
Etaient-ils en danger ? Chorune, en ramenant sa main vers son visage, craintive, se réfugia dans le souvenir de son grand-père. Qu’est-ce qu’il faut faire ? l’implora-t’elle, presque pleurnicharde.
Analyser !, lui aurait dit Salfon.
Pas normal qu’une créature aussi petite fasse ça toute seule au milieu d’une foule… fut son impression immédiate.
Elle regarda donc dans les autres directions, celles auxquelles personne d’autres ne faisait attention, obnubilés par la créature sous l’étal et le chien égorgé. Cherchant ce qui pourrait advenir, elle observa à l’Ouest et au Nord-Est les voies d’accès, comme si le vrai incident allait venir de là.

Une force étrange, - son instinct ?- lui avait fait tirer son arme de son fourreau. Quand elle s’en aperçut, elle fut presque étonnée d’avoir son épée en main.

La main fermement serrée sur la garde de son arme, Héléa observa la situation calmement malgré les remous de la foule. Elle fit glisser son épée hors de son fourreau et attendit patiemment, ne quittant pas la position de la créature de vue, pendant que la Teigne à ses cotés avait rabbatu son oreille en arrière et grognait, fermement campé sur ses pattes et prêt à charger l'importun

Beorn dégaina sa hache et s'avança vers la bestiole. Mieux valait régler ce problème avant d'avoir à en subir d'autres. Et c'est avec la grâce toute naturelle d'un nain qu'il tenta de se frayer un chemin au travers de la foule.

Jamais Anuël n'aurait pu s'attendre à une telle irruption. Certes, l'elfe avait déjà vu des gobelins, mais ceux-ci semblaient si agressifs qu'il prit peur. Dans la cohue la plus totale, il tenta de voir combien de ces gobelins semaient le chaos dans le festival, mais parmi les cris et les gens qui tentaient de fuir, il n'arriva pas à voir leur nombre exact.

Intrépide, mais prudent, l'elfe se faufila entre une table et la fontaine au centre de la place, puis piocha dans sa sacoche de composantes. En quelques gestes et incantations, une fine membrane magique se forma sur le torse du mage, telle une armure.

Le sang de Samuel ne fit qu'un tour. Des gobelins ! Il le savait ! Attrapant son arc, il le banda et fit feu sur la cible la plus proche. Celle-ci allait bondir sur une villageoise sans défense, et cela empêchait Samuel de viser correctement, mais le halfelin ne pouvait pas laisser cette pauvre femme seule face à ce monstre. Il décocha donc son trait mortel, avant de talonner Bucépholle pour que ce dernier sauta à la gorge du monstre. Tandis que son destrier s'élançait, Martigan repassa son arc en bandoulière et sortit bouclier et pic de guerre. Ce monstre périrait, et ses congénères le suivrait ensuite !

Beorn, sa hache au poing, chargea vers le gobelin le plus proche dans l'espoir de pouvoir éviter à Vic de prendre un coup vicieux.

Héléa s'élança en avant, suivie de près par la Teigne. Les deux compères fondirent sur le gobelin aux prises avec le halfelin, le chien se postant sur le corps de son congénère en grognant et sautant à la gorge du petit être pendant que sa maîtresse assénait un grand coup d'épée dans la direction du gobelin fort malchanceux.

Des … gobelins…
Chorune, qui s’y était attendu, accueillit l’apparition de quatre autres créatures comme une évidence. Malheureusement, la couturière lourdement armée était partie dans la mauvaise direction. Elle ne pouvait atteindre l’un de ces gobelins de sa charge, à cause des étals et de la foule.
Cinq gobelins, contre tout un village ?
Tout l’esprit tactique de Salfon lui dictait que ce n’était toujours pas suffisant. Ces gobelins étaient notoirement des pleutres. Ils n’auraient jamais attaqué sans l’avantage du nombre. D’autres allaient venir. D'ailleurs, certains raillaient les combattants, ce qui n'était pas habituel pour des êtres en sous-nombre...

Si Chorune aurait bien fuis avec les autres habitants de Pointesable, une force intérieure la poussait à se positionner pour combattre, pour… profiter de la "fête" ? Au sentiment de peur qu’elle combattait par son esprit d’analyse se mêlait une excitation malsaine qu’elle préfèrerait contenir. Elle se raisonna en pensant qu’elle, elle était armée, et pouvait protéger ceux qui ne l’étaient pas.
Elle vit son cousin attaqué par deux gobelins. Chorune se déplaça dans sa direction prudemment, se préparant autant à combattre qu’à ce que d’autres de ces créatures malfaisantes n’apparaissent.