Le nain s'était tenu silencieux en attendant son thé; pour lui réveiller les sens, rien de mieux que cette bonne boisson. Qui plus est, celui d'Ameiko était particulièrement fort avec son piment, un délice en soit. En attendant, il se contenta d'écouter les autres. Lorsque sa commande arriva, il en renifla le puissant arôme.

« Merci Bethani. Il y a de quoi revigorer un nain avec ça. Mes compliments à Ameiko. »

Il en but quelques gorgées, le piment lui brûla allègrement la gorge. Cela sembla le réveiller un brin et il entreprit de discuter avec les autres. Il voyait bien que Anuël était en train de discuter avec l'autre elfe concernant son voyage jusqu'à Mériani. Si elle sait se battre, on devrait être capable de passer sans trop de misère près du Bois Grognon, même si je ne suis pas sûr que c'est le genre de considération auxquelles pense l'elfe en ce moment. Son intérêt se porta plutôt vers les deux individus qui, de toute évidence, devaient avoir un brin de sang shoantis dans le leur.

« Dites, les Camovars, vous ne seriez pas des Shoantis? »

Le nain était resté stoïque, attendant patiemment son thé. Sa question surprit Chorune.
Il était évident que l’apparence physique des Camovar bénéficiait de la robustesse physique des Shoantie.

« Ma grand-mère était shoantie. Elle a épousé mon grand-père, qui, lui, venait de Korsova. Ils se sont connus ici, à Pointesable. Elle était du clan des Lyrune-Quahs… le clan de la Lune. »
Par ces mots, Chorune indiquait qu’elle n’avait jamais vécu au milieu de ces clans, ni même son cousin Vic.
Instinctivement, Chorune porta sa main vers sa tempe gauche et sa mèche rouge sang, qui détonnait au milieu de ses cheveux d’un blond pur. D’un geste, elle la mena derrière son oreille, pour la cacher.

(en shoanti) « Tu viens des hauts plateaux ? » demanda-t’elle en tutoyant le nain, alors qu’il devait faire cinq fois son âge.

(en shoanti) « Oui. Du moins, c'est là que les Shoantis m'ont retrouvé, laissé pour mort sur le champ de bataille et amnésique. Les Shoantis. Les seuls vrais humains, si tu veux mon avis. Ils vivent et meurent en hommes libres, et se passent volontiers de toutes les illusions dont se parent les habitants des villes. »

Beorn pris une gorgée de thé.

(en shoanti) « J'ai vécu avec eux pendant 15 années, mes frères et soeurs d'une autre race, et j'ai fini par les quitter il y a 5 ans. Depuis lors, je me promène par les landes et les bois en quête de mon passé. »

Seconde gorgée de thé. Le druide pris un air songeur, essayant de formuler sa question.

(en shoanti) « Répondez-moi et soyez honnête. Estimez-vous que la quête du passé vaut le sacrifice des années passées à le chercher? Vaut-il mieux chercher à savoir qui on fut, ou plutôt chercher à créer ce qu'on sera?

Ces deux questions me taraudent l'esprit depuis vingt hivers. »

L’adolescente était indirectement flattée par les propos élogieux du nain envers les shoantis. Elle esquissa un sourire sincère.
Vingt hivers !
Chorune, qui n’avait que seize printemps, fut impressionnée par le temps passé par le nain à retrouver son passé.
(en shoanti) « Heu… Tout dépend du passé, non ? Ha oui, mais ça, tu ne le sauras que … quand tu … le … sauras… » dit-elle, s’apercevant de l’absurdité de ce qu’elle venait de dire. (en shoanti) « Ou tout dépend de ce que tu construits. Ca, au moins, tu peux le choisir. » Les questions aussi philosophiques dépassait les capacités intellectuelles de la jeune femme, et elle ne savait si elle avait bien répondu, ou si elle avait été ridicule. Ridicule, c'est plus probable, se dit-elle.
Malgré ce, elle ne put s'empêcher d'ajouter, reprenant la langue commune pour cette remarque spontanée : « Mais là, c’est beaucoup de temps, quand même. » Elle ne s’imaginait pas passer vingt ans sur un seul sujet.

(en shoanti) « Tu sais si tu faisais partie d’un des clans nains qu’il y a dans les montagnes ? »

Héléa observa l'échange en shoanti en fronçant les sourcils, avant d'ajouter:

« Si on vous ennuie pour faire vos petites affaires, vous le dites, hein... »

« Rejoindre la garde? Merci mais non merci. Cela dit, si vous avez besoin de mes services tant que je suis en ville... »

Héléa accorda un léger sourire à Vic, matiné d'un clin d'oeil. Elle opina ensuite du chef à sa proposition:

« Allons-y. Je n'ai pas encore eu ma 3eme bagarre en 24 heures. Jamais deux sans trois, on dit... »

Levant les mains pour calmer les regards offusqués qui allaient surement venir, elle ajouta:

« Je plaisante... bien sur... ah ah... »

Elle vida alors sa coupe de vin et la reposa, avant de se lever:

« La Teigne, on y va. »

« Bien-sûr! » s'exclama Anuël en se levant. Il prit la dernière gorgée de sa coupe de vin, puis se mit à ramasser ses effets dans le but de prendre le chemin du festival.

« Allons-y, compagnons, je demande à Ameiko de nous garder la table pour qu'on puisse s'y rassoir à notre retour. » proposa l'elfe en cherchant la tavernière du regard.

Mais… de quelles petites affaires elle veut parler ? se demanda Chorune. Béorn avait mentionné des éléments personnels en shoanti, et elle n’avait pas voulu les dévoiler s’il ne le faisait pas…
Heureusement pour les joues de l’adolescente, qui auraient virées au rouge écarlate si elle avait compris l’allusion des « petites affaires », Chorune n’eut pas le temps d’arriver au bout de sa réflexion que Vic annonça l’heure. Le lâcher de machaons n’allait pas tarder, et il était hors de question que Chorune rate ça !
« Très bien, allons-y ! » dit-elle, toute excitée par le spectacle qui allait venir.

« Machaon ? ... »
Dans le doute Mérisiel suit le mouvement, non sans avoir vidé d'un trait un grand verre de chacun des 2 jus, en commençant par le plus fort au cas où la pomme soit nécessaire pour faire glisser. Quoi que ce ne puisse de toute façon pas être pire que le truc d'hier soir .....

« Oui, j'espère que vous n'avez pas trop mangé ! J'espère qu'il y en aura à la pistache, c'est mes préférés ! »

La frimousse toujours aussi rayonnante, Samuel sourit à l'elfe et grimpa sur son chien, lui mordillant une oreille pour le faire décoller. Bucépholle se leva donc, un peu ensommeillé, et tous deux sortirent de l'auberge.

« De macarons, visiblement. »

Héléa gloussa avant d'ajouter:

« Les machaons sont des papillons, Samuel. J'en avais dans ma serre il y a... longtemps. Vous feriez mieux d'éviter d'en manger, j'imagine que ça n'a pas le meilleur des goûts... »

Samuel regarda un moment Héléa la bouche ouverte. Il semblait fasciné. Puis il la referma dans une clappement sonore.

« C'est vrai que c'est pas bon les papillons. Les ailes sont toutes poudreuses et des petits bouts restent collés dans la bouche. Les sauterelles grillées c'est bien mieux. »

Puis il sourit, et regarda le ciel de tous côtés, cherchant à voir les papillons.

« Si tu le dis, Marty... Jamais essayé, pas envie de commencer... »

Héléa ricana avant de se tourner vers Vic, lui faisant la conversation, parlant de tout et de rien...

En arrivant sur la place, Chorune chercha du regard ses cousins. La foule était cependant trop dense, et elle ne les vit pas.
Le discours du prêtre avait commencé par la bénédiction rituelle à Desna. Quand Zantus appela les enfants, Chorune fut un peu jalouse de ne plus pouvoir les rejoindre. Elle était bien sûr fière d’être maintenant considérée comme une adulte, mais parfois, elle se disait qu’avec l’âge, elle avait perdu quelques avantages.

Au lâcher des insectes, Chorune s’émerveilla du spectacle. Une fois encore, les papillons battaient leurs ailes autour d’elle, apparaissant comme des clignotements multicolores et mouvants.
Des papillons s’étaient déjà posés sur elle les années précédentes, pas chaque année, bien sûr, mais parfois. Elle fut heureuse que ce fût le cas cette année. Tenir ce Satyre au creux de sa main permettait de mieux l’admirer.

Puis, avec une moue dubitative, elle se demanda si le Satyre avait une signification particulière. Les dieux ont parfois des messages un peu tordus…
Malgré elle, Chorune ricanna intérieurement à cette réflexion. Elle secoua la tête pour chasser ces idées, et suivit Vic et ses nouveaux compagnons pour aller manger chez Ameiko.

« Tiens ! Les tables ont été mises dehors ! On mange sous le soleil ? » demanda la jeunette.

Même dans ses rêves les plus fous, Anuël n'aurait pu espérer un si beau spectacle. À peine les papillons furent lâchés qu'il se ressentit plongé dans son enfance alors qu'il se promenait dans les plaines du Kyonin.

Tout sourire, l'elfe s'émerveilla du papillon qui vint se poser sur lui. Ses motifs magnifiques s'agençaient à merveille avec se antennes et, tout de suite, le mage comprit qu'il venait de recevoir la bénédiction de la déesse Desna. Il était certes un suppôt de Nethys, mais il ne pouvait cacher son admiration pour Desna et ce magnifique festival en son honneur.

Anuël caressa longuement et délicatement les fines ailes du petit insecte, puis approcha son visage comme s'il voulait le sentir. C'est alors qu'il s'envola.

« Vole, petit papillon, vole! » s'écria l'elfe, enivré par la joie.

Les compagnons se remirent ensuite en route vers l'auberge et Anuël fut tout aussi surpris que sa compagne de voir qu'on avait sortit les tables à l'extérieur.

« En effet, ma chère, on dirait bien que le repas du midi se prendra au grand air! » renchérit le magicien, emplit d'enthousiasme.

Ravie ! Merisiel prend place ....