Héléa ne surenchérit pas sur les propos de l'elfe. Elle s'intéressa plutôt au halfelin, en montrant son chien:

« Belle bête. Quel est son nom? »

L'elfette décide de héler une serveuse (ou un serveur, n'importe qui avec l'air de faire partie de l'établissement) ...

Samuel leva sa frimousse avec un sourire charmant vers la grande dame qui avait parlé de son chien. Il descendit de sa chaise et leva les deux oreilles de son fidèle compagnon assoupi.

« Il s'appelle Bucépholle. Bu-cé-pholle. » DChantonna-t-il en faisant pencher la tête du chien de gauche à droite en agitant ses oreilles.

« Comme la chèvre de combat aux cornes d'or de Samovar Lancetonneau, un des plus grand héros de mon peuple. Enfin, il n'était pas très grand, mais c'était un héros !

Et toi, tu t'appelles comment madame ? »

Ce halfelin avait décidément tous les attributs d'un enfant humain, mis à part ses oreilles légèrement pointues et ses pieds velus.

« Héléa. Et lui, c'est la Teigne. »

La jeune femme pointa son chien, aux innombrables coutures et à l'oreille manquante:

« Un brave chien aussi, il ne m'a jamais laissé tomber. »

Le canidé, en entendant qu'on parlait de lui, se redressa et remua son moignon de queue.

Le halfelin ouvrit de grands yeux.

« Il ne vous a jamais laissé tomber ? Wouah, vous devez être sacrément forte ! Moi, je sais même plus combien de fois je suis tombé de Bucépholle ! »

Puis il posa un de ses index sur sa joue et fronça les sourcils, puis regarda la Teigne d'un air suspicieux.

« Mais vous êtes pas un peu trop grande pour le monter ? »

Héléa observa le halfelin quelques instants piis pouffa de rire:

« Oui, en effet. Un peu trop grande pour lui grimper dessus. »

Le chien jappa avant de cacher son museau entre ses pattes. Avait-il compris? Héléa enchaîna:

« Je voulais dire au combat. Je ne suis pas très douée pour chevaucher... du moins les chevaux. »

La jeune femme rougit un instant avant de se détourner pour demander à Chorune:

« En dehors du festival, y'as quoi à faire dans le coin? »

« Ben… oui. » répondit Chorune à Mérisiel. Elle non plus ne voyait pas pourquoi on tricherait dans une compétition. « Si on sait qu’on a triché pour gagner, on n’en retire aucune fierté, non ? »
Elle secoua la tête. Il y en avait, vraiment, ils réfléchissaient à l’envers. Pfff.

Chorune eut l’air autant embarrassée que la prêtresse, quand celle-ci parla de chevauchement. Elle n’y pensait pas vraiment, à ces choses-là, mais quand même un peu… En tout cas, pas de la façon dont les trois garçons qui l’avait agressée y pensaient.

« Ho, il y a plein de choses à faire ici » répondit Chorune, se méprenant sur le sens véritable de la question d’Héléa. « Il faut s’occuper des bêtes, et des champs de légumes. Rentrer les foins l’été et les sortir l’hiver. Heureusement, quand il y a trop de travail, le reste de la famille vient aider. Le soir, je m’entraine pour évacuer le trop plein d’énergie, comme a dit mon grand-père. Et dans ce qu’il reste de temps, il faut coudre des habits… Ah oui, on a construit une grande cathédrale pour prier, aussi, mais ça tu le sais ! Haha ! » A voix basse, elle ajouta : « Mais moi j’irai pas souvent. Sarenrae, on la prie le matin, en faisant une balade… »
Vic, beaucoup plus citadin que Chorune, eut un sourire contrit en plongeant son regard dans son verre. Sa cousine était une vraie campagnarde.

En parlant de prier, Chorune jeta un regard en coin au symbole religieux que la vindicatrice arborait.
En toute innocence, ne se rendant pas compte du côté déplacé de sa question, elle demanda, l’air désolé : « Gorum, c’est un dieu plutôt violent, ça, non ? »

Mérisiel regarde la serveuse, passablement abasourdie de son applomb « J'apprécierais déjà recevoir le premier, voyez vous. Mais tant que vous y êtes, on peut partir sur un cruchon entier .... »

Chorune reconnut intérieurement que Vic avait raison. La traite des vaches n’était pas l’activité la plus intéressante qui soit… Surtout quand il s’agissait de Fleurette, qui voulait toujours partir alors que Chorune n’avait pas fini de la traire. Quelle peste !

« C’est bon, ça va, je sais quand même qui est Gorum, Vic. » Son grand-père et les prêtres du village lui avait appris de nombreuses choses en matière de religion, et elle pouvait en remontrer dans le domaine à beaucoup de monde.
La jeune fille savait également que Gorum était un dieu violent, qui comptait des gens peu recommandables dans son clergé. D’où sa question, directe et pas si innocente…

« Pour les non-initiés, j'imagine que c'est l'image que nous affichons, oui. »

Héléa fit tourner son vin dans son verre, le regard perdu, avant d'ajouter:

« Mais la vérité est toute autre. Nous avons élevé la guerre et le combat au rang d'art, Chorune. Certes, ce n'est pas un bel art mais nous faisons ce qui doit être fait, prenons les décisions qui s'imposent et agissons en conséquence. Nous ne combattons pas sans discrimination et ne tuons pas à tout va, nous nous efforçons de faire de la guerre et du conflit un instrument précis et rapide pour éviter que d'autres n'en souffrent inutilement.

Certes, il y a des brutes et des barbares parmi nous mais je n'en fais pas partie... »

Une petite voix pernicieuse fit son chemin jusqu'à l'esprit de la prêtresse, làchant quelques mots avant de ricaner

Tu crois convaincre qui, là?

Anuël se délectait de ces conversations mondaines. C'était vraiment ce qu'il recherchait en séjournant chez les humains. Le temps leur était si précieux et ils vivaient tellement vite que le mage arrivait toujours mal à comprendre comment ceux-pouvaient bâtir de si grands empires en si peu de temps. Ces discussions sur les récoltes et sur la vertu des participants au tir à la corde étaient pour l'elfe un rappel de ce rythme effréné qui caractérisait la vie des hommes.

« De toute façon, »dit l'elfe en levant son verre, « avec la leçon qu'on leur a refilée, nous ne pouvons être que les vainqueurs. Ils auront sans doute eu une bonne leçon d'humilité et de respect. »

Mérisiel, abasourdie, regarde le verre désigné.
Depuis qu'elle l'a commandé, elle l'attend ce verre !
Et maintenant il est là ! Alors que bon, elle en est sûre, il n'y était pas tout à l'heure ...
Cette serveuse fait de la prestigiditation ou quoi ?!
« Accompagnez-le donc d'un cruchon, merci. Et si vous vouliez bien me dire de quels fruits il s'agit ...j'apprécierais. »

Chorune hocha la tête. La prêtresse était convaincue, et c’était normal.
Pour la blondinette, la violence ne réglait pas les problèmes. Seule la tempérance, la patience, l’écoute, la compassion permettait de les résoudre vraiment. Cependant, même Sarenrae préconisait la force face au mal qui ne pouvait être racheté, comme celui généré par les adeptes de Rovagug, par exemple.

« Mon grand-père disait qu’il faut avoir un cœur pur. Mais capable de s’endurcir quand il faut le protéger, quand la bonté devient un point faible. C’était un grand général… »
Finalement, ce que venait de dire Héléa n’était pas très loin de ce que Chorune pensait…

« Et vous venez d’où, pour vouloir vous faire engager par la garde de Pointesable ? » demanda-t’elle à l’elfe.

« Oui, moi non plus je suis pas doué pour monter les chevaux. Trop gros. Ou alors je m'assois en tailleur. »

Puis le halfelin recommença à jouer avec son chien, la discussion sur Gorum lui passant au-dessus de la tête, au sens propre comme au figuré.

Anuël sembla intéressé par le fait qu'une elfe soit présente à leur table en cette si belle soirée. Aussi, le mage écouta attentivement les motivations de Mérisiel, puis sentit qu'il pourrait y avoir là une compagne de voyage potentielle si elle était mise au courant de ses motivations.

« Dites-moi, Mérisiel, » demanda le mage, « vous êtes-vous déjà rendu dans la forêt de Mériani? Je prévois m'y rendre et j'aurais certainement besoin d'un guide. Mes moyens sont certes bien maigres, mais je crois tout de même être en mesure de vous offrir plus que ce que la garde peut vous donner... Pour la durée de notre périple, tout au moins. »

« Très bien! » s'exclama Anuël. « Je suis certain que nous aurons l'occasion de nous en reparler dans la soirée. » renchérit-il, ravi.

« Très bien, mes nouveaux compagnons. » s'écria le mage en se levant, coupe en main. « Je propose que nous portions un toast à notre fabuleuse rencontre et aux joies que saura nous apporter ce fabuleux festival! »