Le repas fut pris en silence, malgré la question de Sania. Durant les heures précédentes, l'avenir avait été incertain mais il s'éclairait de nouveau pour les survivants, la capitaine finit par arriver accompagnée de son prêtre de mari. Elle attendit un peu puis demanda:

« Si vous me racontiez ce qui vous est arrivé? »

L'un des rescapés observa les autres un instant puis prit la parole:

« Tout d'abord, madame, laissez-moi vous remercier en notre nom a tous... Sans vous, je ne sais pas si nous aurions pu nous en sortir...

Quand à ce qu'il s'est passé, c'est tout bonnement incompréhensible... »

Il toussa pour s'éclaircir la voix puis commença son récit:

« Nous servions à bord de "La Belle Aurore", un navire marchand ralliant Kaalshan à Sanctuaire. Tout se passait bien jusqu'à hier soir, quand notre route a croisé un navire battant pavillon de Vigil. Ils ont agité le signal pour réclamer assistance et, en vertu du code des marins, nous nous sommes portés à leur aide...

Une fois bord à bord, la... la démone enfant a sauté a bord et s'est mis a utiliser ses pouvoirs démoniaques pour tuer l'équipage pendant que... pendant que d'autres hommes allaient pour saborder le navire... Tandis que le navire sombrait, je les entendais discuter... ils parlaient de co tinuer sur les routes commerciales pour trouver d'autres proies... J'ignore pourquoi ils ont fait ça, ils n'ont rien volé, ont tué l'équipage et les passagers, sauf nous... Yael a bien essayé d'intervenir mais seul... mais une chose est sure: je n'oublierai pas le visage de ce monstre... »

Son regard se porta sur l'assemblée, dérivant sur chacun et chacune jusqu'à s'arrêter sur Alessa, sourcils froncés d'abord puis yeux écarquillés de surprise teintée de frayeur ensuite:

« Vous... Elle vous ressemble!!! »

Yael fixa son regard sur la femme à l'étrange ressemblance , mais s'abstint de tout commentaire .Les mains croisées autour de son bol , il attendait calmement la suite des événements . Il poussa un soupir triste en pensant à toutes les victimes pour lesquelles il n'avait rien pu faire .

Acharné jusqu'alors sur un quelconque bout de pain gorgé de sauce, je balaye la stupeur du malheureux comme si je chassai une mouche invisible de devant mon visage.

« Oui, un tas de gens lui ressemble, c'est regrettable...Le destin est parfois cruel, voyez-vous. Enfin, je ne sais pas si vous devez vous réjouir de nous avoir trouvé...quelqu'un vous a renseigné sur notre destination ? »

Puis, les yeux toujours dans mon assiette, je continue à manger gentiment mon repas, comme si je dégustai le rôti du dimanche avec la famille.

Et l'autre halfelin qui profite pour manger. Feignant, ahah. Comme le chat.
« Eh bien, il était temps d'ouvrir les yeux. Enfin, je suppose que fatigué vous n'alliez pas être trop regardants à qui vient vous sauver, hein.
Ressemblance n'est pas même personne. Si vous pensez qu'une personne ressemblant à un monstre en est un également .... bon, peut-être dans son cas -sourire malicieux- mais je pense pouvoir démontrer aisément qu'un aspect ne veut dire, ma foi, pas grand chose. »
Tandis que Sania parlait, ses cheveux viraient doucement et évidemment magiquement du roux sanglant au blond le plus blanc. Quand elle cessa de parler, le changement continua quelques secondes, avant de se stopper.

« Bref, vous avez eu du pot ? »

« Vous êtes sûrs ? Non parce que si vous ne voulez pas aller au même endroit que nous, on peut bien vous remettre à l'eau. » C'est qu'on s'est bien amusés à les repêcher. Ou pas du tout.
Sania, toujours blonde, se mit à tapoter un rythme sur la table.

Restée quelque peu en retrait après les avoir introduit, Alessa avait préféré laisser les marins rassembler leurs esprits avant d'être une fois de plus assimilée au mal absolu. Elle avait deviné ce qui leur était arrivé et la réaction qui en découlerait, et s'abandonna d'abord à un soupir, lassée d'avoir à répondre d'actes qui n'étaient pas les siens. Elle s’apprêta à y répondre lorsque Sania parla pour elle et lui épargna une nouvelle clarification, même si avoir une nouvelle caricature de sa personne devant elle commençait à peser sur ses nerfs.

« Vous aurez peut-être le loisir de venger vos morts et de leur rendre la monnaie de leur pièce, si telle est la volonté des dieux.
Sania, je pense qu'ils ont saisi le sens de ta démonstration, merci. »

« Hein ? Oh oui ! » Sania bondit sur place, le blond de ses cheveux disparaissant "comme par enchantement". « Pas la première fois que j'suis blonde depuis que tu es dans le coin pourtant. Mais .. ah oui, tu ne devais pas être là.
Enfin, je ne suis pas allée jusqu'à copier ton aspect. C'est juste que j'aime bien les cheveux blonds dans ce genre de démonstration, ils apportent un contraste intéressant aux roux les précédant. Tu ne trouves pas, toi ? »
Sania qui parlait couleurs, voilà qui avait un peu de surprenant tout de même. C'est que si peu d'hommes auraient adopté sa tenue, spécialement sa tunique, il fallait reconnaitre qu'elle n'arrivait pas à la cheville d'Alessa en ce qui concernait beauté supervisée, tenues élaborées et coiffures sophistiquées.

Tournant sa tête vers Yael, elle précisa sa pensée : « Je voulais dire, comment vous vous en êtes tirés, vous cinq ? »

La jeune femme assista avec soulagement au nouveau changement capillaire de Sania.

« Oui, oui, je préfère juste ne pas rajouter au trouble de ces pauvres gens. »

De toute évidence, elle parlait d'abord d'elle-même, mais ça n'avait aucune importance.

« Allez savoir, certains aiment laisser des témoins de leurs méfaits, d'autres ont parfois des raisons plus abouties. Peut-être ont-ils dit quelques choses avant de vous abandonner, peut-être un vieil homme à leur bord? »

Un des hommes répondit:

« ils ont parlé de trouver d'autres proies, de laisser une piste pour appater les gêneurs... mais on sait même pas de qui ils parlaient... Le petit vieux, oui, il était là et regardait votre fi... euh, la fille qui vous ressemble avec affection... c'était étrange... mais tout était étrange... »

Sania répéta, d'un ton amusé, comme si elle n'y croyait : « Pour appâter les gêneurs ? » Elle se mit à rigoler, bêtement, trop plein d'amusement, sans se préoccuper de ceux qui l'entouraient.
Rapidement, elle arrêta ça, opta pour observer les cinq naufragés, ce à quoi ils ressemblaient.
« Ils vous ont fait boire quelque chose ? », demanda t-elle abruptement.

Yael eu un rire rauque , cynique .
« Pas vraiment non .... On a rien bu ,rien mangé non plus. Ils nous on juste laissé là. »

Le halfelin fit une pause dans son curage de dent pour ajouter, en inspectant la propreté de son cure-dent :

« Quelqu'un pourrait vérifier vite fait que personne ici ne va exploser dans quelques minutes ? Juste au cas où... »

Il est à noter que bien souvent surtout quand elle n'y réfléchit pas, Sania tendait à penser dans sa langue natale, l'orque. Pour des raisons de désence, les termes trop offensants ou crus ne bénéficient pas d'une traduction.
Rakten't, qu'il tienne sa brubak d'langue le courtaud.

Foudroyant Duke du regard, et d'un ton très calme, posé, Sania lui dit : « Merci Duke. Je suis sûre que les personnes concernées n'avaient pas encore compris. Mais vous avez raison, il ne faudrait pas supposer que Marlak reproduise deux fois le même procédé, à savoir les explosions nécrotiques, par la même méthode, autrement dit l'ingestion. »
Elle ajouta : « Il faudrait donc les mettre dans une barque trainée à plus d'une centaine de mètres du navire, histoire de nous mettre aux abris. Pour plus de sécurité, adjoignons-leur les marins de Celoth. »
Puis elle leva les bras en l'air : « Et puis on devrait tous y aller, comme ça la Dague risque pas d'exploser. Juste d'errer quelques siècles en pleine mer hein, pas grave après tout. »

Yael crispa quelque peu les poings , difficile de savoir pourquoi avant qu'il ne se dresse droit , les yeux brillants de rage
« Désolé , on est pas à la solde de Marlak ! Maintenant , je me ferais une joie de lui faire manger les cadavres qu'il déterre jusqu'à ce qu'il en devienne un lui même ! »
Passablement énervé , Yael pris plusieurs inspirations profondes pour se détendre .

« Ahah ! Lui faire manger les cadavres qu'il déterre ? Dites-m'en plus, je suis sûr que les familles des morts qu'il a profané se réjouiraient que vous ajoutiez une couche de profanation à ses actes. Pendant ce temps, je prépare votre barque. On n'est jamais trop prudents. Soit vous êtes les victimes de la simple cruauté d'une jeune fille, soit vous êtes un piège qui nous est destiné. Chacun choisit ce qui lui semble le plus vraisemblable... »

Puis, se frappant le front du plat de la main, Duke ajouta :
« Oh, mais, suis-je bête ! Tu viens de dire que tu n'étais pas à la solde de Marlak ! Je suppose qu'il n'y a plus qu'à te croire, bien sûr, où avais-je la tête ! »

Jusqu'à ce que Marlak devienne un cadavre lui-même...

Le sourire du halfelin disparut et il ajouta d'une voix douce, avec détachement :
« Vous l'avez vu, Marlak ? Ou bien n'y avait-il que la fillette et le vieillard ? »

Yael toisa son interlocuteur .
« Les gens comme Marlak , les gens qui n'ont aucun respect pour les morts , les gens qui n'ont aucun respect pour rien d'ailleurs me révulse .Vous n'êtes pas obligé de me croire .....C'est vrai . »
Il avait croisé les mains et les jointures de ses doigts blanchirent tant il les serrait .
« Maintenant ... Sachez que peu de choses ne pourrait me faire plus plaisir que de savoir cet être malfaisant hors d'état de nuir. »

Tara s'était approchée en silence des autres, ne manquant que les premières paroles échangées dans cette conversation. Ou cet interrogatoire plutôt.

D'un ton brusque elle lâcha quelques mots, en fixant un regard lourd de reproches sur le halfelin.

« Et si on arrêtait de les interroger comme des prisonniers, mmh ? »

S'ils étaient sur ce bateau là, il a forcément du les voir eux aussi...

« Qui quand quoi a dit prisonnier ? On s'assure juste qu'ils ne soient pas piégés. En un tel cas, ce serait sûrement contre leur gré. Faut voir, on peut chercher. En tout cas s'y faut faire partir de la magie, moi j'vais m'éloigner. On sait jamais, j'voudrais pas casser ma lyre en tout cas. »
Et c'est sur ces .. bonnes inutiles paroles que Sania sortit du mess, retournant tranquillement à la vigie, sifflotant un air entrainant. N'entrainant qu'elle, en l'instant.