Lors d'une discussion sur ce forum cet historique est ressorti, j'en profite donc pour le mettre en sujet-rappel au cas où cela en intéresserait certain(e)s.
Il n'est pas évident au premier venu de comprendre pourquoi les rescapés de
TSR (créateurs de
D&D, aujourd'hui rebaptisés
PAIZO) se sont retrouvés en concurrence avec leur ancienne création. Explications :
L'arrivé de Wizard of the Coast et de D&D 3Après 17 ans d'
AD&D et de nombreuses censures provoquées par les attaques de
sectes groupes puritains, il semblait normal à ce moment là que ce jeu subisse un lifting et un dépoussiérage.
On ne pouvait pas dire à cet instant que les joueurs d'
AD&D n'avaient pas rentabilisé leur ancien investissement. L'équipe
TSR (à l'origine de
D&D) s'était étoffée au fil des onze dernières années (il étaient deux au départ, ils ont fini à seize : Gary Gyrax, Dave Arneson, J. Eric Holmes, Tom Moldvay, Frank Mentzer, Aaron Allston, Monte et David Cook, Jonathan Tweet, Skip Williams, Richard Baker, Peter Adkison, Ian Livingstone, Jason Bulman, James Jacobs, Lisa Stevens) et de nouvelles idées ainsi qu'une vision d'ensemble plus moderne demandaient à émerger. Le concept du 3.0 émergea, prêt à l'impression.
Malheureusement les caisses de
TSR étaient au plus mal suite à de trop nombreux investissements pour décliner leurs produits, dont beaucoup se sont révélés infructueux.
Mais suite au succès sans précédent du jeu vidéo
Baldur's Gate,
Wizard of the Coast (
WOTC) intéressé propose de racheter
TSR, ce qui a permis de relancer la machine et financer le projet
D&D 3.0.
Cependant
WOTC commettra les même erreurs que
TSR et sera racheté à son tour par
Hasbro (avant la publication de
D&D 3.5), qui dans un premier temps se contentera juste du rôle d'observateur.
Durant les années suivantes
Hasbro analysera ce marché puis développera l'idée folle de s'accaparer le nom de
Donjons & Dragons et d'en effacer toute trace de
TSR.
Hasbro et son D&D4Des années plus tard
WOTC (sous l'impulsion d'
Hasbro) en lançant
D&D 4 souhaite volontairement "abandonner" les anciens joueurs (et les anciennes règles) au profit de sangs neufs. Une fracture qui avait déjà eu lieu avec la génération précédente (les
Old school) lors de la sortie de
D&D 3, car - pour une partie des joueurs - des vieilles habitudes de jeu et un investissement important se retrouvaient mis sur le carreau.
Mais, dans l'ombre de la sortie de
D&D 4, bien avant que ce jeu apparaisse en boutique (vers 2006-2007),
Hasbro manigançait déjà pour couper les ponts avec tout un tas de collaborateurs fidèles afin d'être le seul et unique maître du titre
D&D :
+ Lancement du
GSL (
Game System License) qui est significativement plus restrictive que l'
OGL. Empêchant les éditeurs qui publiaient auparavant des produits basés sur la 3e édition, de faire de même avec
D&D 4. Poussant ainsi ces derniers à prendre la décision de continuer à supporter les règles de la 3e édition (en voie désormais de disparition).
+ Effacement du passé : il était prévu d'effacer toute trace de l'implication de
TSR dans
D&D. Les règles sont reprises à zéro ou presque, les univers sont effacés et leurs personnages emblématiques (Drizzt, Elminster...ect...) n'existent plus et n'ont jamais existé.
+ Faire en sorte de bloquer toute compatibilité possible entre les règles du
3.5 et les nouvelles, afin d'enterrer à long terme le système
OGL (et d'éventuels rivaux). Se débarrassant ainsi des anciens joueurs encombrants (au sens critique aiguisé) et poussant les plus obstinés à abandonner leur investissement conséquent (au vu des nombreux produits
3.5 référencés) moins de 8 ans après, pour les traire de nouveau. Idem pour la version stratégie du jeu.
Ce qui restait de l'équipe
TSR (ceux qui n'avait pas fui
WOTC lors du rachat par
Hasbro) a quitté le bateau à ce moment là pour rejoindre leurs confrères déjà hébergés depuis quelques années chez
Paizo. Parallèlement à cela, une partie d'entre eux sera toutefois récupérée par
Crafty Games dans le but de forger un nouveau jeu dérivé de
Mastercraft.
De Paizo Publishing à PathfinderEn 2000, Lisa Stevens avait quitté
Wizards of the Coast suite au rachat par
Hasbro. Un an plus tard,
Wizards décide de vendre les licences des magazines
Dungeons & Dragons, jugés pas assez rentables. Lisa Stevens s'en porte alors acquéreur et fonde en 2002
Paizo Publishing, afin d'éditer ces magazines.
Dungeon Adventures numéro 94 et
Dragon Magazine numéro 299 sont les premiers numéros édités par
Paizo. Quand à
Hasbro, connaissant peu l'univers du JDR, il se contente d'observer les décisions de
WOTC pendant les sept premières années.
Dans les années qui suivent,
Paizo récupère quelques anciens membres de
TSR et se spécialise dans l'édition de magazines. Outre les magazines
Dungeons & Dragons,
Paizo lance un nouveau magazine intitulé
Undefeated, et produit même sa propre version de
Amazing Stories, dont il partage la licence avec
Hasbro. Les magazines
Dungeons & Dragons restent cependant les fers de lance de l'éditeur, qui n'hésite pas à expérimenter quelques nouvelles choses. Ainsi, dès 2003 apparaît le concept des
Adventure Paths, des suites de scénarios qui ne sont pas sans rappeler les vieux modules
D&D et
AD&D. Le premier de ces
Adventure Paths est
The Shackled City, qui sera plus tard édité sous la forme d'un supplément à part entière.
En 2005,
Paizo lance sa gamme
GameMastery, des outils et aides de jeu destinés aux MJ et visant spécifiquement le public du d20 System : plans quadrillés, fiches d'aide de jeu, figurines... Puis le concept des
Adventure Paths est raffiné et donne naissance à la gamme
Pathfinder : une série de scénarios clés en mains prévus pour
D&D 3.5. Un monde distinct,
Golarion (née des terres inconnues des
Royaumes Oubliés), servait alors d'arrière-plan.
Mais en 2007, les licences de
Dungeons & Dragons expirent et
Hasbro, décidant maintenant de devenir actif, choisit de ne pas renouveler l'autorisation d'exploitation cédée par
WOTC à Paizo. L'éditeur, présageant les manœuvres d'
Hasbro, anticipe la réaction des joueurs et réplique alors en créant sa propre version du manuel des joueurs de
D&D, basé sur l'
OGL (baptisé au départ
D&D 3.7) puis corrigé plus tard par le plus gros playtest jamais effectué auprès du public pour un jeu de rôle. La gamme
Pathfinder devient ainsi en 2008 (2009 en V.F.), un peu avant la sortie de
D&D 4, une gamme à part entière directement concurrente de la quatrième édition de
D&D. D'autres éditeurs suivront le mouvement, comme par exemple
Crafty Games qui sortira un autre jeu basé sur l'
OGL 3.5 :
Fantasy Craft.
Hasbro souhaitant au départ se débarrasser des univers de
TSR,
Paizo se propose tout naturellement immédiatement comme acquéreur. En attendant la fin des négociations, un système de conversion
3.5/
Pathfinder est mis en place afin d'accueillir les
Royaumes Oubliés à côté de
Golarion, modelant un nouveau monde nommé provisoirement
Toril-Path (
Torilarion,
Toril-Golarion). Malheureusement, suite au succès grandissant de
Pathfinder,
Hasbro vexé annule ensuite cette transaction puis lance
Les Royaumes Oubliés 100 ans après afin de bloquer les droits.
Paizo/
TSR en se réappropriant ses idées et ses inventions (durant une période ou
Hasbro préparait un plan commercial pour gommer
TSR du nom
Dungeons & Dragons), commence à gagner le bras de fer contre
Hasbro/
WOTC.
Habro fait alors marche arrière, fuyant ainsi les responsabilités de ses décisions couillues au lieu de les assumer pleinement. Il stoppe
D&D4 en pleine course au mépris de ses fans qui constituaient déjà une clientèle régulière, puis se lance dans la création de
D&D next.
EpilogueDurant son développement
D&D next semble tout d'abord n'être qu'une pâle copie de
Pathfinder, mais en cour de route
Hasbro revoie complètement ses prérogatives : lorsque
D&D 5 (nouveau nom choisi pour
D&D next) sort, il ressemble finalement à du
AD&D2 réactualisé. Le but évident est de récupérer les
Old school (après avoir voulu se débarrasser des habitués du
3.X), mais se faisant il s'écarte aussi de la concurrence de
Pathfinder pour devenir un jeu de niche, laissant du coup le champ libre à
Fantasy Craft pour être son nouvel adversaire.
Toutefois ce statut de
jdr de niche jamais traduit en une autre langue ne satisfait pas aux ambitions d'
Hasbro. Après avoir voulu effacer, céder, puis remodeler l'univers des
Royaumes Oubliés en une version finalement boudée par les fans,
Hasbro décide de formater cet univers en une nouvelle version proche de ses origines pour
D&D5, afin d'élargir son public. Malheureusement pour
Hasbro, la grande majorité des fans de cet univers se sont habitués depuis longtemps a y jouer avec les règles
Pathfinder, grâce au système de conversion
3.5 => Pathfinder, les trouvant plus en adéquation avec ce monde que celles de
D&D5.
De guerre lasse,
Hasbro/WotC abandonne au final le système restrictif
GSL (Game System License) pour basculer
D&D5 en
OGL afin de motiver les traductions.
Black Book Edition (éditeur de
Pathfinder en France) est le premier à sauter sur l'occasion et sort une adaptation française de
D&D5 nommée
Héros & Dragons. Quand aux
Royaumes Oubliés,
Hasbro refuse à
WotC toute nouvelle tentative de céder cet univers à
Paizo et préfère "le louer" à qui le veut :
Wizards of the Coast propose une autre licence, plus restrictive que l'OGL et payante - La
Dungeon Masters Guild - en partenariat avec
OneShelf, qui permet ainsi à n'importe quel auteur en herbe de publier du
Forgotten Realms (50% pour l'auteur et 50% pour
OneShelf et
WotC). Concrètement, cela veut dire que n’importe qui peut, comme à la grande époque de l'OGL
3.5, publier un matériel
Forgotten Realms (
Royaumes Oubliés) et en faire quelque chose « d’officiel » en payant sa dîme à
WotC/Hasbro. Il n'est donc plus interdit d'imaginer un éditeur (
Paizo ?) qui publierait de manière plus officielle un cadre de campagne
Royaumes Oubliés avec les règles
Pathfinder.