Automne 1431, quelque part au nord du Mur.
Le groupe d’éclaireurs progressait avec peine dans l’immensité blanche de la forêt. Emmitouflés sous leur cape de fourrure, Rolf et le jeune lierien fermaient la marche sous un vent aussi traître que glacial. Chaque pas se faisait plus difficile que le précédant, la neige tombant à n’en plus finir.
« Dis-moi le nouveau, tu ne t’attendais pas à ce qu’il fasse aussi froid en cette période de l’année, n’est-ce pas ? Attends de voir l’hiver, les hommes le redoutent plus que ces sauvages qui passent leur temps à piller des bourgades à la frontière safnienne. Et pourtant, ces barbares sont réputés pour dévorer vivants leurs prisonniers. Ceux qui tombent par le froid ont beaucoup de chance, crois-moi… »
Armé de son arc, le nouveau ignora son compagnon. Le grand barbu avait probablement raison et cela le confortait dans son opinion. Entre rejoindre un monastère et le Mur, Finan avait fait son choix. Cependant, il commençait déjà à regretter celui-ci.
« Ne t’en fais pas, tu t’habitueras au climat. Il faut juste ne pas trop traîner lorsque tu va faire pleurer ton poireau, paraît qu’on attrape plus vite des engelures à cet endroit là... »
Voyant la réaction réservée du jeune lierien, Rolf s’esclaffa avant de taper le dos de son nouveau compagnon qui manqua de vaciller. Ce dernier se préparait à répondre lorsque soudain un craquement de branche suspect se manifesta à une vingtaine de mètres droit devant le groupe. Tous s’arrêtèrent net, suivant du regard le geste de l’expérimenté meneur.
« Hyorik et Bronn à gauche, le reste, suivez-moi. »
Dégainant leurs armes, les trois derniers éclaireurs suivirent le vétéran qui venait de descendre une faible pente, protégée d’éventuels tirs ennemis par un regroupement de conifères. Accroupis, Rolf se permit un bref regard avant de se jeter derrière un large tronc jonchant le sol. Se retournant vers le vétéran, il parvint a à peine murmurer quelques mots :
« Ils sont au moins dix… »
Finan sortit de son carquois une flèche tout en tendant l’oreille. Dans quel pétrin s’était-il fourré ? Leurs chances de survie devaient être infimes, surtout s’ils se faisaient encercler. Tout à coup, il y eu de l’agitation du côté du sentier : des hommes approchaient…
Le lierien s'accroupit tant bien que mal, son coeur commençant à battre la chamade. Il se blottit contre un large tronc légèrement à l'écart, espérant être le mieux dissimulé possible. Tout pouvait arriver dans ces circonstances, le pire comme le meilleur. Mais plus souvent le pire, ces derniers temps.
Il ne tendit toutefois pas encore son arc, il était trop tôt et avec l'humidité ambiante, cela risquait d’abîmer la corde et de lui faire rater son tir. Finan n'était pas encore Le meilleur archer, mais il était parmi les meilleurs. Cela venait en partie du fait qu'il analysait tous les paramètres en compte rapidement. Rien n'échappait à son regard acéré, et c'est cela qui lui valait son talent.
Observant le sentier avec attention, il entendit les bruits de pas qui se rapprochaient, les barbares seraient bientôt à portée. Il expira le plus doucement possible pour contrôler sa respiration et se concentrer sur son premier tir. Enfin, les deux premiers barbares arrivèrent au niveau du groupe de conifères...
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