Encore une aide de jeu de Scap & C°, récupérée sur aidedd...
Citer :
IMPROVISER UN LIEU OU UN PNJ
« Vous êtes en pleine maîtrise. Votre scénar est bien huilé, tout est prévu. Mais voilà, vos joueurs sont encore en train de faire tout le contraire de la logique. Et, au lieu d’aller dans l’auberge du bois cendré, votre site bien mijoté, Sophie décide de s’installer au Cygne blanc, malgré les tarifs prohibitifs de sa carte. Et pire, les autres la suivent ! Déjà, vous êtes déjà en train d’imaginer que l’aubergiste va refuser d’abriter des types aussi mal fagotés ou simplement leur dire que l’auberge n’a plus de chambres disponibles. Bref, vous allez les remettre sur le droit chemin et plus vite que cela ! Mais vos joueurs ne s’arrêtent pas là. Persuadé de la culpabilité du marchand Melchior, Mike convainc le groupe d’aller explorer la maison du quidam de fond en comble. Pire, Mathieu se dit qu’il serait souhaitable d’aller avant interroger tous ses proches, au cas où… Tout ça parce que Melchior pratique des prix de rachat trop bas au goût du groupe... Bref, en un mot comme en cent, il va falloir broder. »
Finalement, ce type d’impro est la plus fréquente. Beaucoup de maîtres de jeu sont déconcertés lorsque les joueurs sortent des sentiers battus, ne prennent pas le choix le plus évident ou la piste la plus grossière. Pourtant, c’est également l’intérêt du JdR. Les joueurs ne font pas ce qu’ils sont sensés faire. Avec le MJ, ils construisent une histoire. Gardez toujours ce principe en point de mire : vous jouez ensemble et pas les uns contre les autres. La première erreur à ne pas faire est d’interdire de telles actions. Vous n’êtes pas dans un jeu vidéo dont la zone d’exploration est bornée parce que les développeurs n’ont pas eu l’argent ou le temps pour la définir. Donc, interdire est la pire des idées et risque très vraisemblablement de frustrer les joueurs, qui se sentiront prisonniers de votre trame. Cela reviendrait à les placer dans un labyrinthe avec un plan à suivre pour s’en échapper…
Secundo, il convient de quantifier l’intérêt de ce qu’ils font / tentent. S’il s’agit d’une action mineure, d’une étape préliminaire à la "bonne suite" (comme acquérir de l’équipement courant avant d’aller viander le méchant), l’admissible réponse est de régler cette digression par un simple jet de dé approprié… Donnez les informations recherchées pour passer à autre chose. Un bon moyen pour savoir si le jet de dé est une solution adéquate est de penser aux films : le réalisateur ne vous montre que certaines scènes clés, pas l’ensemble des actions de tous les acteurs principaux du film. Il utilise des fondus enchainés ou une méthode similaire pour que le spectateur comprenne que certaines choses n’ont pas été montrées. Un MJ commettrait cependant une erreur en assimilant ce conseil comme une porte ouverte à des accélérations inopinées qui gommeraient une partie de l’intérêt de la partie. Par exemple, si l’on imagine que vos personnages suivent une fausse piste suite à des mauvaises conclusions, résumer leurs recherches par "Cela ne donne rien" n’est pas une réponse bien satisfaisante. Elle retirerait toute possibilité aux joueurs de corriger leur erreur de jugement ou même leur éviterait de se planter en beauté en désignant, par exemple, un innocent comme responsable des évènements-clés de votre scénario. De même, si vous souhaitez donner corps à un nouveau décor de campagne (comme par exemple, lors d’une première séance des personnages dans la ville MachinChose), passer du temps à jouer des scènes comportant des PNJ mineurs (comprendre non prévus dans le scénario) n’est pas peine perdue. Au contraire, à force de contacts et connaissances anodines, votre cadre prendra substance et deviendra de plus en plus crédible. Ce qui est tout de même une partie de l’effet recherché lors d’une séance, à savoir l’immersion.
Mais si aucune de ces options ne parait adaptée, il faudra bien vous lancer. Comment cela fonctionne t-il ?
PRINCIPE
Il convient de se rappeler que l'improvisation n'est pas forcément affaire d'imagination. On peut très bien puiser dans ses souvenirs, de quelque provenance que ce soit, pour créer quelque chose de neuf. Si vous avez visité un château ou vu un reportage sur ces derniers, nul besoin d'inventer. Utilisez tout bonnement vos souvenirs. Mais parfois, votre expérience réelle vous fait défaut. N'allez pas croire que vous n'êtes pas en capacité de pondre quelque chose. Le maître mot est logique. Une maison, c'est quatre murs, un toit et parfois, une cave et un grenier. Un bonhomme, c'est majoritairement deux bras, deux jambes et une tête. Rien de bien sorcier là-dedans si l'on y réfléchit deux secondes.
LIEUX SEULS
Une partie des éléments exposés ci-dessous partent de l'idée que vous connaissez les techniques descriptives.
• Lorsque vous improvisez un lieu, restez évasif, comme par exemple C’est une maison à colombages à un étage. La porte d’entrée donne sur un petit sentier de cailloux. Attenant à l’édifice se trouve une petite remise délabrée. Les joueurs n’ont pas besoin de quarante mille termes pour s’imaginer un endroit. Bien entendu, si vous demandiez à vos joueurs de dessiner votre bestiole, vous auriez autant de maisons différentes que de participants. Mais comme nous ne sommes pas en cours de photographie, cela importe peu. L'essentiel est que tout le monde voit la porte au même endroit et la pièce de la même forme.
• Laissez les joueurs s’approprier le lieu. En principe, cela se manifeste par des questions fermées ("Y a-t-il une fenêtre au dessus de la porte ?" ou "Il n’y a pas de puits ?"). On rencontre parfois des demandes plus larges ("Combien de fenêtres à l’étage ?") mais cela ne change guère votre travail.
• En fonction de leurs questions ou actions, apportez les réponses adéquates en précisant votre description. Restez concis, en tâchant de ne répondre qu’à la demande initiale. Globalement, il n’y a aucune raison, sauf scénaristique ou logique, pour interdire la présence d’un élément suggéré par un joueur.
• Profitez d’une coupure rythmique (comme lorsqu’un joueur décrit ses actions) pour noter sur une feuille de papier quelques mots-clés. Cela a pour but de fixer votre mémoire pour des séances ultérieures. Ainsi "Maison colombage – 1 E – Éloignée – Remise" devrait suffire pour la majorité des cas. Si des PNJ sont associés au site, notez leur nom en regard, au cas où votre matière grise vous ferait défaut.
• Si les joueurs interagissent avec le lieu de manière plus poussée, en optant par exemple pour défoncer un mur ou crocheter une porte d’entrée, il conviendra de transposer votre description en termes chiffrés. Rappelez-vous de vos mots. Une porte décrépie à la serrure branlante ne devrait pas offrir la même résistance à la pugnacité de vos personnages qu’une entrée renforcée de métal à la serrure ouvragée. Les règles comportent souvent des références standardisées pour quantifier rapidement ces notions connexes. Si vous ne voulez pas rechercher des références (ou si cette satané table manque à votre écran), préférez donner une difficulté au jugé, en respectant la logique initialement détaillée. Personnellement, je sais toujours, quel que soit le système de jeu, à quoi correspond une entreprise facile, normale et difficile et j’utilise ces trois données pour chiffrer mon bazar.
• Dans le même ordre d’idée, dès lors qu’un personnage interagit avec le lieu décrit, pensez à l’environnement proche et éloigné. Y a-t-il un aléa supplémentaire qui viendrait perturber l’action du joueur ? Par exemple, s’ils tentent de s’introduire dans une maison, il conviendra de déterminer si cette dernière à des occupants au moment des faits. Le voisinage peut apercevoir la forfaiture des personnages ? L’occupant a-t-il les moyens de s’offrir une protection particulière ou une profession lui permettant de piéger son environnement (sort d’alarme, pour faire simple) ? Ces questions peuvent être tranchées par la logique pure (une maison est généralement occupée la nuit), par les précautions prises par les joueurs (ils se sont renseignés au préalable sur qui occupe la maison et quand) ou un simple jet de dé (voir trucs et astuces). Bien évidemment, dans de nombreux cas, vous pourrez écarter ce facteur. A priori, pas la peine de se soucier de potentiels témoins si les joueurs font des emplettes.
PNJ
Une grande partie de ces procédures peuvent se décliner pour les PNJ. La grosse problématique des PNJ, c’est qu’ils sont souvent présents dans des environnements définis. Du coup, un PNJ = double travail.
• Décrire le lieu est souvent un bon départ. On présente un cadre succinct où va être placé notre PNJ.
• Brosser un portrait rapide du bonhomme. Sans entrer dans l’aide de jeu Descriptions, on peut caractériser un PNJ par quelques attributs simples. Ce que l’on remarque en premier chez quelqu’un, c’est ses particularités. Une grosse moustache, un embonpoint prononcé, des bagues qui couvrent la majorité de ses doigts ou des vêtements atypiques. N’hésitez pas à lui attribuer des qualificatifs comme patibulaire, regard vicieux, air chafouin, nerveux. Même si ce trait n’est pas une réalité, il peut vous aider à l’interpréter plus tard et sert de bonne référence pour les joueurs ("Je vais voir le type louche au bar"). Je précise souvent les armes apparentes dont mon gugus est affublé, un paramètre qui curieusement semble avoir de l’importance pour les joueurs. N’oubliez pas qu’un PNJ n’est pas statique. Il fait quelque chose au moment où les joueurs le rencontrent. Décrivez-le en pensant à son activité du moment.
• Laissez vos joueurs réagir. Souvent, votre portrait leur suffira et ils entameront le dialogue. Parfois, vous aurez le droit à quelques questions d’usage qui sera facile de couvrir en usant de logique.
• Si les joueurs interagissent avec votre PNJ, il faudra le camper. Sauf qu’ici, vous n’avez rien du tout comme base. Mais là encore, votre esprit cartésien devrait vous tirer d’affaire. Un commerçant devrait par nature être serviable ou aimable, surtout s’il repère les bourses bien remplies des personnages. Un noble désintéressé par la roture ou les gens de basse-extraction. Un nain enclin à picoler… Bref, partez sur un stéréotype tout en cherchant, au fil des échanges, à affiner votre premier choix. Ou préférez simplement l’antithèse d’un concept. Après dix taverniers renfermés, il serait peut-être temps de proposer un tenancier excentrique.
• Si les joueurs décident de s'attaquer au PNJ, que ce soit par l'usage de pouvoirs pour décrypter son attitude ou en le frappant comme des ours, il faudra, à l'instar des lieux, transcrire votre improvisation en chiffres. C'est souvent l'étape qui pose le plus de problèmes aux maîtres de jeu. Quelle est sa résistance à la coercition, à la domination mentale ? Quelles sont ses capacités physiques ? Le plus simple est encore une fois de passer par des niveaux basiques, en s'inspirant des difficultés standards du jeu. Un paysan, même hardi, ne sera qu'un piètre adversaire face à des guerriers entrainés. Un capitaine de la garde devrait apporter, cependant, plus de fil à retordre. Il est évident qu'avec une expérience accrue du système de jeu, vous pourrez tout à fait définir les notions clés nécessaires aux résolutions de conflit, sans forcément passer par cette approximation de létalité potentielle d'un gugus. Mais bon, c'est une bonne méthode pour dégrossir le terrain. En outre, les règles comportent souvent des exemples de personnages pré-tirés ou de PNJ adaptés à ces confrontations surprises. La seule barrière demeure de quantifier la puissance relative du PNJ en comparaison avec mon groupe de joueurs. Je raisonne personnellement en "de force inférieure", "d'égale puissance" ou "plus puissant" (même si mon échelle est, en pratique, beaucoup plus étagée que ces trois simples définitions). Cela permet d'aller se reporter à des exemples chiffrés aisément. Prenez le temps de lire les capacités du bousin sélectionné. Vos joueurs ne vous en voudront pas de consulter vos règles deux minutes avant de lancer un combat.
Reste la problématique des pouvoirs ou sortilèges que certains types de personnages, dans des univers fantastiques, peuvent posséder. Comment savoir si un magicien peut faire telle prouesse ? Encore une fois, la réponse risque de vous décevoir : la logique. Si votre PNJ était décrit comme un mage du magma (au hasard), pas la peine de réfléchir s'il possède des pouvoirs pour créer des boules de neige. Si la magie est moins typée et que vous êtes dans l'incapacité de faire des choix, rabattez-vous sur le hasard. Les plus sadiques ne s'en soucieront pas et doteront leurs PNJ des facultés qu'ils ont envie d'employer (il est toutefois préférable de ne pas trop en abuser, par crainte que les joueurs se sentent soumis qu'à des adversaires omniscients / omnipotents).
• N'oubliez pas de prendre des notes rapides sur votre création. Ca serait dommage de perdre trace de votre fécondité !
TRUCS ET ASTUCES
• Bibliothèque d’images : réunissez des photos, des dessins que vous pouvez glaner lors de vos pérégrinations sur internet. Si vous trouvez une illustration adéquate lors de vos lectures, notez-en ses références (ouvrage et page) car il est peu probable que vous mettiez un coup de ciseau dans le bestiau. Puis ordonnez vos trouvailles. On peut procéder en catégorie simples. Lieux, Hommes, Femmes, Enfants, Monstres, Groupe de personnes sont des classifications basiques qui permettent un premier tri. Si besoin, utilisez un calepin ou un fichier excel pour référencer tout ça. Lorsque le besoin se fait sentir, piochez dans votre banque de donnée. Comme pour tout usage de support visuel, vous n’êtes pas tenu de les montrer aux joueurs. Avoir une simple image sous les yeux aide très largement à décrire. Par extension, se rapporte à tout passage de livre (JdR ou pas, nulle importance) où vous avez trouvé quelque chose d'intéressant (ils peuvent être gardés sous le coude pour usage potentiel ultérieur).
• Transposer : les joueurs choisissent de passer leur temps dans une autre taverne que celle que vous avez préparé ? Ils optent pour un autre marchand pour fourguer leur matériel ? Techniquement, rien ne vous empêche d'utiliser ce qui était prévu. Après tout, ils ne savent pas ce que vous avez prévu... La transposition peut s'étendre également à l'usage de lieux et PNJ que vous avez développés par ailleurs pour d'autres scénarii.
• Dés pour décider : si vous n’êtes pas capable de trancher une question donnée, comme la présence d’un objet quelque part, vous pouvez vous aider d’un jet de dé. Double avantage : lancer un dé vous donne un peu de temps pour réfléchir aux conséquences de votre choix ("Est-ce intéressant pour l’histoire ? Est-ce plausible ?"). Le dé peut également servir à évaluer des chances que la chose soit vérifiée. En général, on se contentera de dire "haut score = oui ; bas score = non".
• PNJ à PJ : certains MJ taquins préfèreront confier le rôle de PNJ improvisés à leurs joueurs, notamment si les PNJ ne sont qu’un élément de décor (en somme, qu’ils ne détiennent aucune information capitale pour le scénar, même si j'en connais que cela ne gêne pas). C’est un truc de base que l’on appelle la patate chaude. Après tout, un joueur est tout à fait capable de vous créer une personnalité amusante, dramatique ou originale, au même titre que vous. Bien sûr, l’idéal est de le faire lorsque le groupe est séparé et que vous voulez conserver l’intérêt et l’implication des joueurs dont le personnage est hors de l’action. Il convient cependant vous assurer que vos camarades sont ouverts à cette éventualité et suffisamment expérimentés pour changer de casquette rapidement. Surtout, choisissez bien à qui vous confiez quoi. Aussi surprenant que cela puisse paraître, de nombreux joueurs apprécient ces apartés, qui leur permettent de sortir quelques instants de leur paladin strict ou de leur voleur fourbe.
• Anticipation : en fait, on peut improviser à l'avance. Surtout avec l'expérience. Il est vraisemblable que les personnages aillent s'accoquiner dans certains lieux non prévus dans la trame scénaristique. On pense aux auberges, aux échoppes mais aussi aux temples et dispensaires qui sont souvent des endroits choisis par les joueurs comme point de chute lors d'une aventure. Or, puisqu'il est prévisible qu'ils y aillent, pourquoi ne pas s'imaginer à l'avance à quoi ressemblerait ces endroits ? Certes, c'est un peu de la triche, mais bon, personne ne dira rien...
• Préparation : il s'agit cette fois de préparer, en amont, des caractéristiques de PNJ fréquemment rencontrés en cas d'affrontement. Il est préférable de les définir par leur profession ou occupation (artisan, garde, noble) que par des paramètres de jeu comme des classes, souvent trop larges pour être vraiment parlantes. En somme, vous vous constituez une bonne bibliothèque de quidams en tout genre, que vous utiliserez pour qualifier les capacités d'un PNJ "improvisé". Notez que ce type de préparation est chronophage et souvent ingrat.