Morose.

Cela devait être le mot qui résumait le mieux ce quatrième jour de voyage. Si certains dans le groupe n'avait jamais vu de désert, il aurait pu se croire en plein milieu.

Ils partirent au plus tôt de Lindral et désormais rodés au groupe, chacun prit naturellement sa place dans le convoi. La tempête s'était calmée et en partant du havre, ils purent bénéficier de restes de route dans un état correct. Mais au bout d'une heure, au détour d'une hauteur, le paysage devint morne, sinistre, plat. Les éléments les plus notables étaient les quelques flocons de cendres qui apportaient de nouvelles nuances de gris au monochrome paysage. Personne ne dit rien. Yip, John, Richard et les autres portaient leurs foulards sur la bouche par habitude, et aucun son n'en sortit de tout le trajet. La lassitude des voyages dans la cendre, cette monotonie ambiante n'était pas pour améliorer le moral.

Le seul qui se sentait presqu'à son aise était Herklachner. Le nain guida le groupe d'une main ferme, bien que ballotée par les cahots d'une route que l'on ne distinguait plus sous l'épaisse couche de cendre du sol. Mais au moins ce silence permit au nain d'être dans son élément, dans un terrain qu'il maitrisait et dans des conditions qu'il appréciait.

Seamus aurait pu écrire une ballade sur ce trajet: elle aurait compté une seule note et un seul son.

Plus les heures passaient, et plus le silence se faisait pesant. Les kilomètres s'enchainaient et se ressemblaient dans un cycle infernal. De quoi perdre ses repères. Heureusement, les équipements récupérés au début de leur mission leur permirent de garder le cap. Et ce ne fut qu'après une très longue journée qu'ils aperçurent enfin la rivière qui longeait les frontières du Duché du Sud, d'Aqual et de Joal. Herklachner cru reconnaitre le chemin d'un refuge qu'il avait pratiqué naguère. Alors qu'il voulut orienter l'attelage, il sentit que la minéralisation prenait prise sur lui; il lui fut très difficile de bouger, même pour des mouvements de faible amplitude. Il n'arriva pas à se secouer suffisamment pour faire tomber un amas de neige sur son bras.

Malgré tout, il réussit à retrouver le chemin du refuge qui se situait à proximité de la rivière. Mais il put plisser les yeux dès que les premières bâtisses furent visibles. Il arrêta le chariot, pivota lentement la tête vers les autres, ouvrit péniblement les lèvres puis John toussa fortement, dit un rapide « Excusez moi... » puis releva son foulard et cracha une longue gerbe de sang. Ses poumons le brulait. Il avait du mal à respirer et faisait un boucan de tous les diables. Tout le monde se mit sur ses gardes, au cas où le bruit puisse ameuter des invités non désirés. Rien ne vint. Ils l'auraient vu compte tenu du relief.

Yuri se risqua à demander à Herklachner, non sans jeter un regard noir à l'attention de l'elfe malade.

« Qu'y a-t-il? »

Herklachner avait eu le temps de fouiller dans sa mémoire. Il se rappelait à quoi ressemblait le refuge. Et il était en bon état dans ses souvenirs. Et maintenant... Il ressemblait davantage à un village fantôme...

Tous était épuisés, ils avaient du voyager 8 ou dix heures dans de mauvaises conditions, il leur fallait trouver de quoi s'abriter et se reposer.

Herklachner les avait mené à bon port, comme prévu.
Yip avait cependant remarqué ses difficultés pour mener le convoi dans la dernière heure. Sa maladie accroissait certainement son emprise sur lui.
Le moine se chargea donc de rappeler la décision qui avait été prise au départ, afin que le nain n'ai plus qu'à acquiescer s'il était d'accord.
(en commun) « Qutie meon nti perc le pliss veia ercogech o, eno hond aut qum quargl'oca le qum se lacachit vitenumi'enontati et mes oc'acri aete honera. Erac pion oncustiosetu ctera econusumae monf cen is ponde acon et is oc'serern, abatt is qur rpiune oc'ctron veia qutie meon dulerb serobusab an'e alos onsenivex.
Abatt is stat hond dulerb nogleraem dulerb plttemupr eta enovem ti is qur rpiune fam is ne eno qur matevi taecham acon ctera econusumae.

Ede hior orbulumu, menieglen a mntigesededmm edecualar dulerb odesinit a'qudemut oc'mmamulae acon a'carchi onor mntigesededmm sulat. »

Yip attendit la réponse des autres, le regard sur Jonh qui semblait au plus mal.

John était pas bien. Il était à deux doigt de ce transformer pour respirer mieux.

« Je peux créer une sorte de maison pour nous protéger la nuit si nécessaire. La barque cela paraît compliqué mais si vous le souhaitez. Nous avancerons mais en risquant d'être attaqué. Je vous laisse choisir. Du repos nous ferait du bien à tous. »

Herklachner avait fait une pause pendant que tous découvraient le village et échangeaient leurs impressions. Le nain n'avait pas envie de parler. Seulement de demeurer là, debout et se fondre dans la Pierre. Tout cela le fatiguait et parfois lui semblait vain, alors qu'il pourrait se satisfaire de la contemplation minérale de ce monde à l'agonie. Les paroles de ses compagnons lui parvenaient de loin. Un vague murmure. Le nain avait un regard absent.
Ce fut Maekr qui le ramena à cette réalité. Le chien était une des dernières pensées qui le liait à la réalité. Ça, et son incroyable instinct de survie. Ces derniers jours, l'adversité l'avait forcé à s'adapter à la Cendre, se couler en elle plutôt que d'y résister. Le Guide y était plus à l'aise, une forme de symbiose parfois. Qui l'éloignait de plus en plus de la civilisation.

« Faisons une pause.
Puis, formons une équipe d'éclaireurs vers le village.
Nous pourrons décider ensuite. »

Il n'attendit pas al réponse de ses compagnons, se mit à genoux, ôta son gant droit et toucha le sol, ferma les yeux, et se concentra, ses sens interrogeant la cendre.

Herklachner se redressa lentement. Il fit rouler ses muscles des épaules, histoire de se détacher de cette sensation d’engourdissement,t qui accompagnait la calcification. Il flatta la tête de Maekr tout en s'adressant au groupe d'une voix monocorde.

« Ca grouille autour.
Des mort-vivants mais aussi des créatures féériques et des élémentaires.
Dans un rayon de 10 kilomètres, je ne peux pas être plus précis. »

Seamus finit de reprendre son souffle; se passa la main dans les cheveux et réagit à l'information fournie par le guide :
« S'il y a des nuisibles dans le coin, il est effectivement préférable de ne pas s’attarder. Je peut rester avec John.
Prévenez nous dés que vous avez du nouveau. »

Le barde regarda l'elfe en cherchant un moyen de le remettre d'aplomb.

Richard regarda Herklachner d'un oeil intrigué et lui répondit :

« Euh... Moi je suis une créature féérique, comme John en fait.

Et je vais me mettre à la conduite du chariot pendant que Seamus s'occupe de John, juste au cas où. »

Et tandis que Yip et le nain avançait à couvert vers le refuge, le demi-elfe prit place à l'avant du chariot.

Seamus inspecta sommairement John. De l'extérieur tout semblait normal, pas de traces de lésions apparentes. Mais la respiration de l'elfe était difficile, sifflotante. Une conclusion trottait dans la tête du barde à savoir que John été touché par les tumeurs qui se propageaient chez les représentants de la race elfique. Un mal qui fait dégénérer leurs organes et les conduit inexorablement vers une mort certaine et accélérée.

De leur côté, Yip et Herklachner progressaient à couvert en direction du refuge. Il marchaient baissés, à l'abri du vent derrière quelques reliefs cendreux. Ils atteignirent la première maison d'un ensemble compact de plusieurs habitations, peut être dix ou quinze. Plus loin, deux ou trois bâtiments donnaient sur la rivière et vers un quai auquel étaient attachées quelques barques. Elles semblaient encore en bon état si ce n'était qu'un bonne couche de cendre était présente à l'intérieur. Le poids de la cendre dans la barque en plus de celui des voyageurs éventuels et de leurs paquetages risquait fort d'amener la ligne de flottaison un peu trop bas et donc de couler. Il faudra donc évacuer la cendre avant de pouvoir utiliser une barque.

Le moine et le rôdeur jetèrent un œil prudent de la première maison u travers de fissure entre les planches de bois qui condamnaient les fenêtres du rez-de-chaussée. Il faisait sombre, tout était chahuté, comme si le lieu avait été le théâtre d'un affrontement violent. Mais le manque de luminosité et d'angle de vue les empêchaient de discerner précisément ce qui se trouvait à l'intérieur. Ils passèrent leur chemin jusqu'à la maison suivante mais ils ne purent même pas voir à l'intérieur de celle-ci.

Le vent se calma un instant, ce qui permit à l'odeur ambiante de se porter à leurs narines. Une odeur de pourriture forte. La brise se releva et dispersa l'odeur nauséabonde. Les deux éclaireurs volontaires continuèrent d'avancer pour dresser le même constat à la troisième habitation, mais en plus sordide. Le vent sifflait par les interstices des bâtisses, laissant Yip et Herklachner les yeux fixés sur le sol, simultanément. Ils bloquèrent sur une tâche de sang visible dans la cendre.
Le sang était séché, mais la cendre n'avait pas eu le temps de le recouvrir.

Un jour. Deux au maximum. Ce sang n'était pas frais, mais presque. Il s'était passé quelque chose de terrible ici il y a peu de temps. Très peu de temps. Trop peu de temps.

Comme le chien les accompagnait et pour faciliter la discussion avec son compagnon, Yip s'adressa à Maekr. Le petit chien grognait à la vue du sang. Les odeurs qui restaient ici le mettaient en alerte.

(en commun) « Em aron mntigesededmm onisia'tem le a ateti Suaere. Menieglen suam qur ssaridodmumem eno ferigi, an'eno ntaraum sa hior mid? » dit-il en tournant la tête vers Herklachner.

Le nain ne réagit pas immédiatement à la question du moine. Il observait. Il avait grandit dans un monde où la moindre faiblesse pouvait signifier la mort, il ne pouvait s’offrir le luxe de s'émouvoir du carnage passé. Une seule question, qu'en était-il actuellement. Il avait pressenti la présence de mort-vivants, mais aussi d'élémentaires et d'êtres féériques. Quel était le rapport de force, qui contrôlait le village. l'attaque du havre avait peut-être été un échec. Il y aurait peut-être des alliés dans le coin.
Quoiqu'il en soit, il fallait en savoir plus, ne serait-ce que pour prendre possession d'une ou plusieurs embarcations pour la suite de leur périple.
Il pointa du doigt, sans un mot, celles-ci à l'embarcadère et analysa la situation. A combien de distance de leur position ? Quel trajet ? Quelle protection ? Quelle discrétion ?

Perception: Greflechtin lance 1d20+9 et obtient 17 (8)

Maekr, en effet, n'était pas tranquille. Il regardait de tous les côtés, laisser sa truffe au sol, de temps en temps à l'arrêt... Mais à chaque fois, il était reparti, mais Yip et Herklachner pouvait sentir que le chien n'était pas serein.

Le nain évalua les positions des embarcations fluviales : le chariot était à à peu près 100 mètres au sud de leur position, derrière une butte et les barques à une trentaine de mètres au nord. Le guide, le moine et le chien étaient au niveau d'un gros ensemble de bâtiments disposé en cercles et pas grand chose autour pour passer discrètement avec un chariot. Au niveau du quai auquel était attachées les barques, une paire de bâtiments qui devaient servir pour du stockage et du transport de marchandises. Tout cet ensemble donnait sur la rivière. A l'est et à l'ouest, à environ 150 mètres du centre du refuge, des buttes plus hautes sur lesquelles avaient été érigées des palissades en bois sommaires mais solides. L'arrivée au refuge se faisait en passant par un goulet d'étranglement naturel qui permettait le passage de deux chariots de front.

Il en déduit que la défense de ce refuge en cas d'attaque d'infectieux était simplissime : les morts vivants devaient être canalisés par l'entrée et ce fameux goulet et les habitants pouvaient soit traverser rapidement la rivière pour se mettre hors de portée des infectieux ou réfugiés dans leurs bâtiments centraux. Simple et efficace.

Le nain estima rapidement que le chariot pouvait arriver sans faire trop de bruit depuis sa position jusqu'aux barques en 5 minutes et qu'il leur faudrait 10-15 minutes pour le décharger et mettre le matériel dans les barques. Et peut être quelques minutes pour s'organiser correctement une fois dedans les détacher du quai et partir sur l'eau.

Le nain nota mentalement ses observations et fit signe au moine qu'il était temps de rentrer voir les autres.

Yip acquiesça et suivi Herklachner et le chien pour rejoindre les autres. Il prit soin de se faire le plus discret possible.

Yip et Herklachner parvinrent à revenir discrètement et sans encombre jusqu'au chariot. Une fois à portée de voix, Yuri leur demanda au travers du foulard qui lui cachait le nez et la bouche:

« Alors, qu'est ce que ça dit? »

Le nain expliqua la situation, sa voix était lente, monocorde, il détaillait tout.

« On a deux options.
Soit un petit groupe va pacifier l'embarcadère, et une fois fait, on fait venir le chariot.
Soit on avance discrètement avec le chariot, quitte à devoir combattre autour.
Ma préférence va à la seconde solution. »

John regarda le nain.

« Quels sont les forces en présence ? »

Le barde opina du chef :
« On y va tous ensemble, cela me semble préférable à moi aussi. »

Richard et Yuri hochèrent la tête en signe d'approbation et se positionnèrent tous les deux à l'arrière du chariot, baissés, sur leurs appuis et leurs armes prêtes à sortir de leurs fourreaux sans gêner leurs mouvements.