Chapitre qui se déroule en parallèle du CH1a, l'arrivée sur la place du golfe de la lune. Suite des aventure de Yávië en dehors du campement des Fidèles. Ce qui précède ce chapitre se trouve avant ce post : http://www.donjonsetdragons.net/viewtop ... 78#p193278

18 juin 3319 SA début de soirée

L'endroit était paisible et avait dû être magnifique. Mais la tempête avait fait rage sur la cote également et Yávië se dit que c'était certainement pour cela que les marins, bien que piètres chasseurs, avaient dû autant s'éloigner de la cote avant de trouver du gibier. De nombreuses branches, certainement arrachées par la force du vent, lui barraient désormais la route et c'était parfois même des arbres qui étaient déracinés. La forêt était anormalement humide et en goutant l'eau qui stagnait entre quelques pierres au sol, Yávië sentit le goût du sel. Les vagues avaient dû être telles qu'elles avaient remonté la cote sur des lieus à certains endroits.

La plage où Elendil avait fait accoster les navires étaient protégée par une grande crique rocheuse et l'eau avait épargné l'endroit. Mais en s'éloignant un petit peu, la jeune fille se rendit compte de l'étendue des dégâts, ici, jusqu'en terre du Milieu. Peut-être cela expliquait-il la nervosité et la méfiance des elfes. La forêt n'était pourtant pas désertée par ses habitants car en avançant, Yávië continuait d'entendre les oiseaux, les rongeurs qui avaient pu trouver abris dans les arbres ou s'enfonçait sous terre, s'affairait à reconstruire leurs tanières. De petits miaulements attirèrent son attention. Ils étaient discontinus et éloignés, mais curieuse, Yávië suivit son oreille et se retrouva aux abords d'une petite clairière parsemées de branches et de débris de la forêts, laissés là par le reflux des vagues. Les petits bruits provenaient de derrière un grand rocher, et à eux se mêlèrent des voix, qui mirent la jeune fille en alerte.

Elle contourna largement la clairière pour voir ce qui se tramait là. Elle s'approcha lentement, sans un bruit. Mais même en étant aussi précautionneuse, elle pu voir un des elfes présents tourner la tête dans sa direction. Mais il ne s'alarma pas car il dû penser que c'était un des nombreux mammifères qu'ils étaient justement venu secourir.
Il y avait deux dames parmi eux et elles s'affairaient autour du corps d'un grand animal, un félin à ce que pouvait en voir Yávië de son point de vue, bien qu'elle ne puisse discerner que ses contours et non sa couleur. L'animal était inerte, probablement mort, alors qu'elle venait de mettre bas et les elfes secourait à présent sa portée.

« - C'est une chance que nous les ayons trouvé, ils n'auraient pas passé la nuit » dit l'un des hommes, qui portait un des petits, le tenant aisément dans la paume de sa main.
« - Oui, et c'est une incroyable portée pour une panthère. Quatre ! Je n'avais jamais entendu ça. » lui répondit une des femmes, à genoux à côté de la femelle.
« - Quelle majestueuse créature, c'est malheureux qu'elle ait été blessé par la tempête venue de l'ouest. Mais c'est miracle qu'elle ait survécu pour réussir à leur donner vie. Ce fut là son ultime effort. »
D'une voix plus grave et emprunte de mélancolie, la deuxième femme intervint :
« - Un effort que celle-ci n'a pas supporté. Le miruvor ne la sauvera pas, à elle, hélas. »
Les sindarins marquèrent un silence.
« - Relevez vous, Mithend, Cyroen, nous avons encore fort à faire et il faut vite ramener ces trois là à Nestaid car ils ne sont pas encore tirer d'affaire. »
Cyroen ne pouvait détacher ses yeux de la petite créature et celui qui venait de prendre la parole s'approcha d'elle, lui posant la main sur l'épaule et la relevant lentement.
« - Et elle, on ne va quand même pas la laisser là. »
« - Elle appartient à la forêt désormais. Viens, elle est mieux ici réunie avec sa mère. »

Et les elfes s'éloignèrent, tenant dans leur bras les petites créatures. Ils disparurent rapidement dans les ombres de la forêt, la traversant plus aisément que Yávië car leurs pas étaient léger.

La scène avait été empreinte d'une telle ... étrange solennité ... que Yávië peinait à s'extraire de ce cadre.


Après avoir patiemment attendu que les elfes soient partis depuis assez longtemps pour les estimer hors de portée - et donc elle-même hors de danger d'une rencontre inopportune - Yávië se rapprocha de ce qui avait monopolisé leur attention : une panthère morte en mettant bas.

Sa curiosité n'avait rien de morbide : elle souhaitait voir cette panthère de plus près ; elle souhaitait disposer son petit mort entre ses pattes ; elle souhaitait honorer à sa façon ce décès si injuste et en même temps si naturel ...
« Elle appartient à la forêt désormais » avait dit l'elfe ; Yávië avait bien l'intention d'offrir à cette mère et son petit quelques fleurs et une oraison funèbre.

C'est chargée de toutes ces intentions qu'elle s'extirpa silencieusement de sa cachette pour s'approcher du lieu où les elfes se tenaient quelques instants plus tôt.

Yávië s'approcha sans bruit, et la forêt s'était faite étrangement silencieuse, comme si elle portait le deuil. En s'approchant, la jeune fille put se rendre compte de la beauté de la féline qui avait donné naissance à ses petits au prix de sa vie, car la lune éclairait le ciel et occultait presque la voute étoilée d'Elbereth. La robe de ce qui ne pouvait être qu'une panthère était noire, tachetée de gris clair. Le bout de ses pattes était gris et son corps tout entier, bien qu'inerte, reflétait l'agilité et la puissance. Entre ses pattes reposaient la plus petite de sa progéniture, une minuscule créature dont la crinière était grise et tachetée de blanc. Le bout de ses pattes étaient blanc, en héritage de sa malheureuse génitrice.
La scène était d'une grande tristesse pour qui n'aurait pas vu l’œuvre des elfes. Étrangement, un rayon de lune perçait à travers les branches de l'arbre qui s'interposait devant sa clarté, illuminant le petit être et malgré le vent, persistait à le rendre visible dans l'obscurité ambiante, ce qui intrigua grandement Yávië.
C'était comme une invitation à s'intéresser à lui.
Yávië n'y résista pas et la prit entre ses mains, parce qu'elle voulait la pousser contre le pelage de sa mère.
Et ce faisant, il lui parut sentir une chaleur. La petite était censé être froide puisque les elfes l'avait laissé pour morte. Et les elfes n'était pas du genre à se tromper à ce genre d'acte qu'il prenait grandement au sérieux.
Et pourtant, Yávië ramena la créature à elle, l'abritant du froid nocturne entre ses bras et posant son oreille contre son minuscule thorax, guettant un signe de respiration.

Il n'y avait pas de doute, soit les elfes s'étaient trompés dans leur diagnostic soit la petite créature s'était miraculeusement éveillée après leur action et leur départ. Mais Yávië la sentait respirer bien que ce soit à peine perceptible signe qu'elle était très loin d'être tirée d'affaire.
Et dire que le groupe venait juste de partir... Ils étaient pourtant probablement la meilleure chance de salut de la nouvelle née...

Renonçant, aussitôt que la pensée l'eut effleurée, à se précipiter à la suite des elfes qu'elle s'était efforcée d'éviter, Yávië commença par tâter la mère défunte pour voir s'il lui restait quelques gouttelettes de lait à fournir à son petit. Auquel cas, Yávië ferait le nécessaire pour fournir au bébé une ultime tétée de lait pleinement approprié.
Puis, emmaillotant la boule de poils dans le creux de son écharpe, elle la fourra bien au chaud à l'intérieur de sa chemise.

Et maintenant ?
Eh bien maintenant, sa curiosité lui avait permis de voir des elfes à défaut de les rencontrer - mais elle s’aperçut qu'elle n'en avait pas véritablement eu l'intention, elle voulait juste les voir de près. C'était chose faite. Et ce bébé panthère avait besoin de soins.
Alors, afin de peaufiner sa couverture, Yávië ramassa autant de petit bois mort que possible qu'elle rangea prestement dans son panier puis repris vaillamment le chemin du campement où elle espérait bien trouver un peu de lait, de chaleur et de confort pour installer la petite créature.

La jeune fille prit donc le chemin du retour, s'orientant comme elle le pouvait bien que son esprit soit préoccupé par l'état de la toute petite panthère.
Elle retraversa la forêt sans croiser personne, et ressortit du bois un peu plus loin à l'Est que par là où elle y était entrée. Et en tournant la tête pour se repérer, elle put apercevoir des lumières non loin, à une lieue tout au plus au sud, qui diffusait depuis de grands arbres.

Au Nord se trouvait la ligne d'éclaireur à traverser pour atteindre le campement, à deux ou trois lieues.

Préférant la proximité sur toute autre considération, Yávië bifurqua en direction des lumières du sud.

18 juin 3319 SA soirée

Yávië prit le pas le plus rapide qu'elle pouvait tenir sans que cela ne génère trop de secousse pour l'animal. Personne ne montait la garde près du village duquel elle s'approchait et il s'agissait bien là d'un village elfe, probablement celui rallié par les sauveteurs des autres petits vu la direction qu'ils avaient prise.
Apparemment, personne ne montait la garde et Yávië prit malgré tout le temps de regarder où elle mettait les pieds.
A première vue, quelques dizaines d'arbres présentaient des sortes de plateformes à différente hauteur en fonction de leur âge. A la lueur des torches, la jeune fille put voir que certains de ces aménagements n'étaient plus à l'horizontale mais pendait, enchevêtré aléatoirement autour de branches elle-même parfois en piteux état. Elle entendait d'ailleurs des bruits de planches s'entrechoquant signe que même à cette heure tardive, les habitants étaient à l’œuvre, occupés à réparer les dégâts, nombreux, car elle put voir de nombreux amas de bois au sol.

S'avançant ouvertement vers le village en général et les bruits d'ouvrage en particulier, Yávië se prépara mentalement à ce qu'elle allait bien pouvoir dire à ces gens : « Bonjour, je voudrais du lait pour un bébé panthère », hum, peut-être un peu trop direct ; « Salut ! moi c'est Yávië et vous ça va ? » heurk, pire ... ; « Coucou ! Vous aviez oublié ce bébé panthère qu'est pas aussi mort que vous pensiez », non, ça fait trop reproche ; ... finalement elle se dit qu'il valait mieux attendre que les villageois lui parlent en premier et qu'elle s'adapterait au ton de la conversation.

La jeune fille n'eut pas à attendre longtemps avant d'être aperçue. Au bout de quelques minutes, une jeune femme qui descendait d'un arbre proche toucha terre et, voyant Yávië, se figea de surprise. Mais elle reprit très vite ses esprits et s'approcha.
« Tiens ce n'est pas souvent que l'on voit des humains par ici, encore moins des femmes. Bien le bonsoir, vous devez être de ceux qui ont suivi Elendil, n'est-ce pas ? Vous vous êtes perdu dans la nuit ? » lui demanda-t-elle chaleureusement, tout en l'invitant de la main à s'approcher.

Yávië répondit sur le même ton en approchant gentiment :
« Bonjour Madame.
Effectivement, je suis de ceux qui sont arrivés par les bateaux de la nuit dernière.

Je ne me suis pas tout à fait perdue :
Je ramassais du petit bois quand j'ai trouvé un petit animal qui a besoin de lait et de chaleur, sa mère est morte en lui donnant la vie.
Les lumières de votre village étaient plus proches que mon campement, je me suis dit qu'il fallait faire vite, j'ai coupé au plus court. »

Pendant que Yávië racontait comment elle était arrivé jusque-là, l'elfe s'aperçut effectivement de la présence de la petite bête.
« Je leur avais bien dit aux autres qu'ils auraient mieux fait de nous aider à ratisser les bois et à reconstruire le village plutôt que de vous surveiller. Tant qu'on était pas sûr que c'était Elendil, il était bien normal de prendre nos précautions, mais dès qu'on a vu Nimloth sur la première tente que vous avez dressée, j'étais tout de suite rassurée.
Enfin je parle je parle et vous n'avez pas de temps à perdre.
Suivez-moi je vais vous conduire auprès de ceux qui sont revenus de mission de la forêt. »

Sur quoi elle guida Yávië en direction du milieu du village où entre les plus grands arbres poussait un parterre de fleurs aux pétales dorées. L'endroit était comme clôturé par des buissons entretenus par les habitants et des toiles argentées recouvrait la zone pour en faire un abri comme naturel. Les elfes se retournaient à son passage mais ne disaient mot car Yávië était manifestement invitée.

Alors qu'elles franchissaient une sorte d'arche végétale pour pénétrer dans l'abri, la jeune fille reconnu le groupe qui avait embarqué les autres petits. Deux d'entre eux tenaient un bébé panthère tandis que l'autre était au soin des mains d'une grande dame. Elle était vêtu d'une ample robe verte serrée à la taille. Elle était de dos par rapport à Yávië et fredonnait un air apaisant tout en paraissant extrêmement concentrée sur ses mains.

Sans interrompre ce qui se déroulait là, Yávië déroula précautionneusement son écharpe, cherchant à capter l'attention de celui qui répugnait à abandonner le dernier bébé (Cyroen) : « Celui-ci vit encore » murmura-t-elle en lui montrant le bébé encore à peine emmailloté.

Les cinq elfes que Yávië avait observés dans la forêt s'étaient retournés, étonnés et ils le furent doublement lorsqu'ils reconnurent la petite créature qu'ils avaient abandonnée au côté de sa mère. Mais ils n'eurent pas le temps de questionner la jeune fille. Nestaid rayonnait comme d'une aura de lumière douce et elle tendit le petit qu'elle avait entre les mains à Cyroen.
« Ha, je savais bien qu'il fallait que je garde des forces pour celle là. Approchez noble dame de l'ouest. »

Ce disant, elle avança également vers Yávië en lui souriant et en regardant la petite panthère.
« Ce n'est pas le hasard qui vous a guidé l'une vers l'autre et ce petit être est déjà lié à vous. Il ne survit que par la force de votre volonté, et de votre espoir. »

Nestaid fixa intensément Yávië dans les yeux, et elle se sentit comme mise à nue, sondée. La seule personne qui lui avait donné une telle impression jusque-là était Elendil au premier jour de leur rencontre.

« Il y a encore de l'espoir, même au milieu de la tempête. Et celle là en traverse une terrifiante. Il faut la guider vers la lumière, la chaleur et la sérénité. »

Tout s'estompa autour de Yávië. Il n'y avait plus qu'elle, Nestaid et au milieu l'obscurité. Elle pouvait seulement sentir le pelage de la petite bête et les mains de l'elfe qui entouraient les siennes. Une douce chaleur irradia d'elles, puis ses propres mains parurent produire le même effet et quand ce flux atteignit enfin la panthère, Yávië sentit un soubresaut sous ses doigts. Mais immédiatement la chaleur recula et il parut à la jeune fille qu'il lui faudrait un immense effort pour la maintenir.
Elle était comme perdue au milieu d'une étendue de glace ventée, à essayer d'allumer désespérément un feu.

Moi ? Noble ? C'est bien la première fois qu'on me la sort, celle-là ! Yávië était stupéfaite

Waow ! Bonjour la responsabilité ! se dit Yávië en son for intérieur en écarquillant ses petites mirettes qu'elle avait d'ordinaire fort lestes.
Et cette sensation n'était pas des plus agréables

Mais ce n'est pas « désespérément » qu'il faut tenter les manœuvres fondamentales ; c'est « intensément », « méthodiquement », et surtout « de toutes ses forces ». Yávië mit toute l'intensité de sa volonté à rallumer la flamme de vie au cœur de la petite créature

Le temps se figea et Yávië concentra ses efforts, en mettant de l'ordre dans les différentes sensations et pensées qui la traversait. Au milieu de l'étendue glacée, elle tenait entre ses mains le petit être. Il ne pouvait rester là. Elle se concentra si fort sur cette idée que des arbres émergèrent tout autour d'elle et le vent tomba. Mais il faisait toujours très froid et la nuit était noire. Il était possible d'allumer un feu désormais et Yávië s'y attela avec grand empressement. Le feu crépitait maintenant devant elle et il faisait bon.
Yávië rouvrit les yeux et Nestaid retirait doucement ses mains de celles de la jeune fille. Le petit était au chaud et elle pouvait sentir sa respiration sans avoir à la chercher.

Nestaid sourit. Yávië se sentit soudain très lasse, comme si l'adrénaline de la journée était tombée et que toute la fatigue accumulée se manifestait d'un seul coup.

« Hé bien, elle revient de loin. Mais elle n'est pas encore tirée d'affaires. Les petits ne supportent pas tous d'être élevés par quelqu'un d'autre que leur mère, en dehors des cercles de la nature, et recueillir des bébés panthère ne nous arrive pas tous les jours. Puisse Yavanna nous montrer la voie à suivre. » dit-elle en désignant les bébés panthère.

« Il vous faut de repos et de la chaleur maintenant. Cyroen, conduit nos deux nouveaux hôtes dans un endroit calme et apporte leur à manger stp. Et pour la petite, du lait de chèvre avec deux gouttes de Miruvor s'il te plaît. »

Yávië ne tenait plus debout que par un fil ténu, mais elle s'appuya dessus pour remercier Nestaid d'un léger hochement de tête fort las et suivre docilement Cyroen.
Elle allait se laisser faire le temps de reprendre des forces et d'apprendre à s'occuper de cette boule de poil à présent palpitante.

18 juin 3319 SA nuit

Cyroen conduisit Yávië à sa plateforme. Elle était en périphérie des arbres du village et au sommet. Des échelles en cordes pendaient depuis des trappes d'accès et l'effort pour monter tout en haut parut insurmontable à la jeune fille. Heureusement, un panier suspendu à une poulie permit de monter la petite panthère sans effort ni secousse.

Arrivée en haut, Yávië fut admirative de la vue et du charme de la petite habitation construite autour du tronc de l'arbre et bâtie en harmonie avec ses branches. Cyroen l'invita à prendre place sur un confortable fauteuil bas en tissu. Elle lui apporta un trépieds et des couvertures.
« Si tu as besoin de moi, il te suffit de m'appeler. Bonne nuit »

« Je mangerais bien quelque chose, avec une boisson chaude, si possible et si ça ne vous dérange pas trop. » balbutia Yávië en s'emballant dans les couvertures « Je me sens complètement vidée. »