Nestaid et son apprenti de circonstance passèrent beaucoup de temps ensemble dans les jours suivirent le retour de Yavië. La guérisseuse était satisfaite de l'attitude de la jeune fille, qui ne demandait qu'à apprendre et n'hésitez pas à demander conseil lorsqu'elle en sentait le besoin. Or, dangereuses étaient les tâches qu'elle lui avait confiées et malgré cela, la fière enfant de Numenor prenait nombre d'initiatives et essayait de ne pas solliciter tout le temps Nestaid, qui était très occupée. Les quatre petits protégés de Yàvië grandissaient vite. Il courrait déjà bien vite, la maladresse des déplacements des deux premières semaines n'étant plus qu'un souvenir. Ils tentaient d'escalader tout ce qui était à leur portée. Ils se chamaillaient, jouaient, prenaient en chasse les petits insectes et les souris et chaque jour les rendait plus fort. Une tâche blanche qu'ils avaient en commun s'était maintenant dessinaient sur leur front, distinction incontestable de leur fratrie. Yàvië nota cependant que la tâche n'avait pas exactement la même forme pour chacun des petits. Pour le plus fort d'entre eux, elle était parfaitement ronde, chez un autre elle avait presque la forme d'une goutte d'eau, pour le troisième des frères, elle était plus fine et allongée à la verticale, tombant presque jusqu'en ces deux yeux. Pour la petite dernière, on retrouvait la forme ronde de l'ainée, mais parsemée de cinq petite pointe sur son contour.
Le jardin derrière la maison de Nestaid fut vite trop étroit pour leurs jeux, le plus fort de la portée ayant déjà trouvé le moyen de franchir l'enclos à l'âge de trois semaines. Nestaid dit à Yàvië, inquiète de perdre un des petits, de les laisser sortir en les guidant. Elle fit ainsi rapidement la connaissance de presque tout le village, tant voir les quatre panthères était extraordinaire et rare étaient ceux qui en avait déjà approcher auparavant, dans leur pourtant très longue existence. Chaque habitant qui la croisait prenait toujours le temps de lui dire bonjour et la questionner, y allant au passage de son conseil.
Nestaid procédait régulièrement à des remises en liberté des pensionnaires guéris. Lorsque cela arrivait, elle demandait à Yàvië de la suivre et cette dernière ne se lassait pas de contempler la grâce avec laquelle la guérisseuse se livrait à cet exercice qui parfois, semblait lui pourfendre le cœur. Yàvië, elle, ne pouvait pas quitter un instant sa protégée. Depuis qu'elle avait pris l'habitude de dormir avec celle qui l'avait sauvée, elle ne souffrait plus d'en être séparée. La jeune fille avait bien essayé mais l'animal se mettait alors à pousser des cris de désespoir qui la brisaient toute sa volonté.
A l'approche du premier mois anniversaire de la naissance de la portée, Nestaid, à l'issue d'une de leur conversation de fin de journée, dit à la jeune femme : « Ne vous inquiètez pas, elle prendra de l'indépendance en grandissant. Mais il m'apparaît clairement que les chances sont maigres qu'elle suive ses frères dans la forêt, si tant est qu'eux décident de retourner à la nature. Notre présence aura marqué chacun des moments si importants que marquent leur croissance. Mais j'ai de l'espoir, j'ai déjà eu quelques succès avec des félins, de plus petites tailles néanmoins.
Je pense faire une première tentative à l'anniversaire de leur huitième mois de naissance, ou avant, si nous trouvons une femelle en capacité de les accueillir. Mais toutes nos recherches ont été vaines pour le moment, il faut dire qu'il nous faudrait beaucoup de chance, sans compter que cette espèce est extrêmement discrète. Malgré leur taille, il est très difficile de les apercevoir et de les approcher. Leur pelage se fond parfaitement dans la nature, à tel point que je les soupçonne d'être capable d'en faire évoluer la couleur. Ces animaux sont d'une intelligence rare et grande est leur force de volonté lorsqu'ils se mettent en chasse ou bien veulent se tenir caché. »
Nestaid souriait, toujours émerveillée par la nature et les créatures qui la peuplaient, même après les innombrables années qu'elle avait passé à l'étudier. Soudain, elle redevint grave : « Si elle décide de rester avec vous, vous devez me faire le serment de la laisser partir, si d'aventure, un jour, elle manifesterait l'envie de retourner à la forêt. Plus important encore, ne l'utilisez pas pour de sombres desseins, ou à profit. Je ne crois pas qu'il en sera ainsi, mais ma mise en garde reste néanmoins valable. »
Nestaid soutint fermement le regard de la jeune fille, qui tout d'un coup, sentit peser toute la gravité des paroles que la sage elfe prononçait. « Ne la détournez pas, ni de sa nature, ni des Valar. Morgoth le maudit, Sauron son héritier... eux seuls et leurs serviteurs le font, ils corrompent ce que les Valar nous ont offert et JE ne le permettrais pas. Si d'aventure je venais à apprendre une telle chose de votre part, je n'aurai nul répit avant de vous avoir retrouvé pour la délivrer... ou la venger. » Le regard de Nestaid s'était fait dur comme la pierre, froid comme la glace et l'émotion perçait derrière sa voix sévère.
L'orage cependant, passa aussi vite qu'il était arrivé, l'instant d'après, l'elfe continua d'une voix calme : « Donc, resterez-vous avec nous jusqu'à leur huitième mois ? »
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