Elendil venait de s'assoupir, enfin, confortablement installé dans sa grande tente, non loin de la frontière du royaume de Gil-Galad, qu'il venait de franchir avec le groupe qu'il commandait, cinq jours après son départ de Mithlond. La progression était certes lente mais rien de plus normal quand on était pareillement chargé. Pour l'instant, tout souriait au nouveau roi des Edain. Son peuple faisait preuve d'une grande discipline, mué qu'il l'était par une grande force de volonté. Erika avait composé en très peu de temps une garde royale qui avait de quoi impressionner. Elendil se sentait bien entouré. Il ferma les yeux et se trouva emporté dans un rêve qui avait l'apparence de la réalité. Il ne s'agissait pas de la première fois que ce phénomène lui arrivait. Depuis leur arrivée en Terre du Milieu, il s'était même intensifié et dans ces moments là Elendil, dans un état de demi-conscience, gardait prise sur une partie de ses facultés mentales, contrairement aux soirs ou un simple rêve l'emportait.
Etait-ce un chuchotement, ou une pensée qui s'imposait à lui, comme une voix au timbre profond qui emplissait tout l'espace de son subconscient. Non, il ne s'agissait pas d'une voix, plutôt d'un souffle semblable à une tempête à laquelle on ne peut résister et qui dans le même temps apporte une douce pluie salvatrice. « Ssssssouvient toi Elendil ! Retrouve le chemin tracé au sang de tes véritables aïeux ! » Elendil survolait une immense bataille. Au nord, une affreuse forteresse noire, aussi colossale qu'elle n'était rien de moins qu'une immense montagne, vomissait un flot de créatures parmi les plus terribles qui foulaient la terre du milieu. Face à eux se dressait une étincelante armée composée d'elfes, de nains et d'hommes. L'épaisse fumée noire qui s'avançait depuis Angband sembla l'engloutir dans le désespoir. Elendil cru suffoquer. Il ouvrit les yeux subitement. Turgon venait de donner l'ordre de charger. L'épée brandit en avant, le vent accompagnait la charge de ses 20.000 guerriers, éparpillant les noires fumées. Quelle fierté de combattre aux côtés des elfes en cette heure décisive. Hélas, les fils de Fëanor avaient répondu trop tôt aux provocations de Morgoth. Ils se trouvaient complètement cernés par une mer de créatures infernales. Seule l'armée de Gondolin pouvait désormais les sauver en brisant l'encerclement. Elendil leva le bras à son tour, les cinq mille guerriers qu'il commandait brûlaient de se jeter dans la bataille : « Courrons vers notre destin ! » hurla-t-il en imprégnant du regard de son frère, qui venait de donner le même ordre à son bataillon. Une immense clameur envahît le champ de bataille alors que l'armée fonçait par le sud est, depuis le col. Ils tombèrent sur leurs ennemis tels la lumière brisant l'obscurité. Les créatures prises entre les deux armées furent broyées et rompirent les rangs. Ne combattant plus sur tous les fronts, les fils de Fëanor reprirent vigueur et Angband vascilla. Elendil et son frère, depuis l'arrière garde, taillaient en pièce les maigres restes laissés par l'armée de Turgon. La victoire semblait acquise. Mais il n'en était rien. De sombres cors résonnèrent. Des sonneries d'hommes, un appel qui sonnait telle l'amère mélodie de la traîtrise. La plupart des clans humains engagés dans la bataille abandonnèrent le combat ou pire, se retournèrent contre les elfes. Gothmog le prince des Balrog, dont la noire silhouette dominait le centre du champ de bataille, terrassa Fingon, haut roi des Noldor. Tout était perdu. Le Beleriand ne se relèverait jamais d'un pareil désastre. Mais il restait Turgon. Et Gondolin. Il était désormais le nouveau roi des Noldor, et il fallait à tout prix le protéger. La rage que ressentait Elendil traversait les âges au poing que la garde de son épée, qu'il serrait inconsciemment, s'imprimait sur ses doigts. Il n'eut pas besoin de seulement discuter de la marche à tenir avec son frère. Ils positionnèrent leurs hommes à l'entrée du col de Tol Sirion pour protéger la retraite du roi. Gothmog et sa garde de troll, fonçait déjà vers eux, Morgoth connaissait trop bien le danger que représentait le roi de Gondolin, et il concentrait désormais tous ses efforts à faire de sa victoire un triomphe total. Turgon finalement, réussit à s'extraire du combat et s'engouffra derrière eux. Puis la marée d'ombre s'avança sur eux. « En ce funeste jour, Le monde se souviendra que tous les hommes n'ont pas failli !!! » Les trolls se jetèrent sur eux mais ils tinrent bons, le temps de l'espoir pour le nouveau roi des elfes. Côte à côte avec son frère, ils terrassèrent la garde de Gothmog, qui la victoire acquise, ne s'attendaient pas à pareille résistance. Mais son frère finalement tomba et ivre de fureur, Elendil délaissa son épée et son bouclier pour une hache à deux mains. À chaque fois qu'un troll s'étendait à ses pieds, il clamait : « Aurë entuluyva » Les cadavres de ses ennemis s'amoncelaient autour de lui et le fer de sa hache fumait de leur sang noir. À la fin, il était seul et la masse de ses adversaires vaincus ne lui permit plus de bouger.
À nouveau Elendil fut happé par l'obscurité, et il se trouva nez à nez avec un homme, vieux et brisé, prisonnier sur un trône au sommet d'un immense sommet. Son froid regard pénétra celui d'Elendil et de sa bouche s'éleva telle une complainte : « Qui suis-je ? »
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