Auguste, Auguste. Qui est cet Auguste ? Qui suis-je?

Vous vous retournez dans votre sommeil.

En ouvrant les yeux, vous vous retrouvez dans une pièce à l'aspect minable.
Des murs blanc crème, fissurés. Un mobilier très succinct.
Un lit pas très grand. Les pieds dépassent du lit.

Il fait bon. Pas trop froid. Sûrement pas en hiver, avec la vétusté,
ça se verrait. Pas trop chaud. Pas en juillet. pas en août.

Et des liens qui vous attachent au lit.
Et une femme qui gémit (doucement?) dans la pièce d'à côté.
Et un homme qui tourne les pages d'un journal derrière la porte.
Impossible de la regarder en face, la porte. Les liens...

Le néant. L'amnésie. Sauf, sauf, ces yeux.
Bruns, profonds, hypnotiques...

Il semble y avoir quelques personnes internées avec lui...
Des hommes, des femmes. Difficile d'en savoir plus.
Difficile de se rappeler de la dernière année.... le flou total.

Vers 8h15 le matin, deux infirmiers bien baraqués vous emmènent
vers un bureau. Vous avez une vue d'ensemble de la propriété,
que vous gravez en mémoire.

Le docteur Axel Beaumont est un homme mi-quarantaine,
avec un air distingué d'aristocrate. Un nanti qui tient à travailler ?




« Monsieur Valin, vous êtes ici interné car
vos proches sont inquiets à votre sujet.
Vos extravagances au bureau...
votre conduite scandaleuse avec les médicaments...
Vous vous sèvrerons! Les drogues sont dangereuses!
L'opium et la cocaïne sont légales mais dangereuses!
Vos proches pensent à vous! »

Cela ressemble à mon nom...

Il n'est pas nécessaire de préciser que vous ne vous souvenez pas
du tout d'une quelconque consommation de stupéfiants...

Certains souvenirs reviennent à la surface... svp les partager avec vos compagnons, Auguste!

Et ces yeux, noirs, hypnotiques...



« Donc, monsieur Auguste, je compte sur vous pour vous resaissir!
C'est le temps du Petit Déjeuner! Allez, Jean va vous y conduire. »

Jean est une armoire à glace fort peu loquace...

Monsieur muscle amène l'homme au réfectoire.

Il y a plusieurs personnes sur place. En discutant, il obtient une courte biographie






Et Charlotte. Elle peut répondre elle-même!

On vous raconte qu'un 7e patient est présent. Il est allité...

Une routine est établie. Retour en cellule, sorties dans la cour. Les autres patients semblent aussi perdus qu'Auguste...

Un horaire est affiché....

Horaire: de 10:00 à 12:00... Vous êtes libres de vous déplacer dans le bâtiment central.

12:00-12:15 Déjeuner.

12:30-14:00 Sieste obligatoire. Portes verrouillées.


14:00-20:00 Vous êtes libres de vous déplacer dans le bâtiment central.

20:00-20:15 Diner.

21:00 Extinction des feux prévue.

Perdu.
Le mot était même trop faible pour désigner son état d'esprit.
Perdu. Égaré. Échoué. Désemparé. Auguste était les quatre à la fois.
A cela, il pouvait même ajouter "assommé" lorsque les sédatifs abrutissants qu'on lui administrait semblaient faire effet.

Il déambulait dans la salle commune sans réel but. Excepté peut-être celui de sortir de cet endroit.
Mais cette envie était très vite étouffée par cet épais brouillard d'incompréhension anesthésiante qui semblait envelopper ce qui lui servait encore de cervelle.

Malgré son état quasi-végétatif, une image bien particulière lui était restée gravée dans sa mémoire. La marquant au fer rouge.
Des yeux bruns. Des yeux bruns dans lesquels son esprit semblait se perdre dès lors qu'il se focalisait sur ces derniers.


Faisant de nouveau le tour de la pièce, Auguste ressassa l'image mentale qu'il avait de ces yeux. Encore. Et encore. Et encore.
La forme de ces yeux. La couleur de ces yeux. L'éclat de ces yeux. La longueur de ses cils...

Il observa alors les individus qui peuplaient la pièce qu'il occupait, et se décida d'entamer une discussion avec l'une d'entre elles.
L'une d'entre elles avec des yeux bruns.
Mémoire photographique: Auguste se demande s'il a déjà rencontré cette personne au cours de sa vie. Et admire ses yeux, bien entendu.

« Bonjour. Auguste. Auguste Valin. »
« Il me semble ne pas avoir eu le plaisir de réellement discuter avec vous, Monsieur Palanchini ! »

« Vos articles scientifiques du "Matin" sont toujours un régal pour les yeux, et pour l'esprit. »

Tant que cet esprit fonctionne encore correctement...

« Un café noir, une cigarette, un de vos articles... et l'on se retrouve de suite paré pour notre journée à venir, la tête tournée vers le futur. »
« Serait-ce votre intérêt pour la fantastique radioactivité qui vous aurait amené ici ? »

(J'ai cru comprendre qu'il y avait champ libre pour communiquer jusqu'à 9h30. 09h00, peut-être ?)

Étant complètement perdu, Auguste se dirige vers la première personne dotée d'yeux bruns qui lui inspirerait quoi que ce soit.

l'homme a des yeux hallucinés

« Heu... je viens d'aller rencontrer le docteur Beaumont.
Opiomane ? Je ne comprend pas...
Au Soudan... une fois. Pour approcher les Derviches!
Pas accroc aux vapeurs brunes!

Gordon.... figure tragique...
Marchand... un pétard mouillé...
J'ai lu le papier de Marc Michel...

Je suis un misérable...
l'opium... Je ne comprend pas. Je bois de la Fée Verte.
... Avec Lautrec, à Montmartre. Pas d'Opium... »

Il reprend un peu du poil de la bête

« C'est étrange. J'en parlerai avec le docteur.
Il y a erreur de diagnostic! Et vous, monsieur ? »

Même s'il partageait l'horrifique ébahissement de son interlocuteur, Auguste s'efforçait de ne pas le montrer.
Il venait de trouver un autre être en perdition dans cette prison aux murs blancs.

« En ce cas, monsieur,il semblerait que l'on soit au moins deux à avoir été diagnostiqués de la sorte... »
« Opium...et cocaïne ! On m'aurait dit vin et tabac, je n'aurai pu le nier. Mais opium et cocaïne... »
« Nous devrions tous deux prévenir le docteur Beaumont de cette méprise lors de notre prochaine entrevue. »

Il expira bruyamment, tout en agitant lentement sa tête de droite à gauche.

« Je n'ai même pas le souvenir d'avoir été transporté là ! »
« Je vois encore les étagères de mon échoppe. Ma vitrine. Mon comptoir. »

il s'arrêta le temps d'un souffle.

« Et puis plus rien. »
« Le néant. »


« Excepté ces grands yeux bruns, envoûtants. Hypnotisants... »

« Vous aussi ?

J'étais... je ne me souvient pas où.
Des yeux, bruns, mesmériques... magnétiques, pas radioactifs...
puis je me réveille dans cette chambre.
Le mobilier me rappelle la chambre de mon enfance.
Mes 4 frères en moins! Il y avait... 4 fentes dans le mur! »

Le journaliste secoue la tête et se met à compter le nombre de fentes
dans la pièce commune. Systématiquement. Mécaniquement...

Il est perdu pour la France!

Auguste observait le journaliste déboussolé. Des rides d'incompréhension parcouraient son front à mesure qu'il s'exprimait.

« Des coïncidences bien étranges... »

« Vous savez... Nous devrions nous soutenir. Pour comprendre ce qui nous est arrivé. Ce qui nous arrive. Et ce qui nous arrivera. »
« A qui appartiennent ces yeux ? Comment sommes-nous arrivés ici ? Comment pouvons-nous nous extirper de cette situation ? »

« Nous devons tirer tout ça au clair ! »

« Commençons peut-être par discuter avec les gens qui nous entourent. S'ils sont aussi troublés que nous, cela sera un élément de plus à mettre dans notre boîte à mystères. »

Tout comme avec Jean-Philippe, Auguste papillonne de patient en patient, se présentant succinctement, leur faisant part de son incompréhension, et leur parlant de ces yeux bruns qui l'obsédaient...
Peut-être l'un d'entre eux aurait le début d'une explication à cette situation rocambolesque...

Élisabeth et Bernard conserve ensemble, discutant de voile et de mesures sociales outre-Manche.
Ils s'expriment avec difficulté...

Sophie s'approche d'Auguste. Elle semble lire dans ses pensées...

« Monsieur... vous êtes... un scientifique ?
Que pensez-vous du mesmérisme ?
J'ai l'impression d'avoir... des yeux bruns en
permanence qui me contrôlent.

Peut-on se rappeler de celui ou celle qui nous a hypnotisé ? »

« Scheisse! ». Ce mot est prononcé et vite étouffé.

Auguste se retourne. le son vient de l'ouest, où se trouve
Élisabeth et Bernard, Charlotte et un gardien.


Sophie poursuit:

« mes souvenirs... je crains que personne ne se souvienne
très bien de la journée d'hier. Nous sommes tous à la bourre... »

Un brin étonné par ses questionnements, Auguste ne put s'empêcher de reculer d'un demi pas avant de se ressaisir.

« Un.. J.. Oh, scientifique est un bien grand mot, madame ! Je me considère comme étant un grand amateur de sciences, tout au plus ! »

« Mais, voyez-vous... Ce que vous me dites est fort intéressant. Le mesmérisme... Il se pourrait bien que plusieurs d'entre nous se soient fait hypnotiser à leur insu... »
« Je n'ai lu que qu'une poignée d'articles à ce sujet, mais... l'effacement de souvenirs, la modification d'une personnalité, le traitement d'addictions et de phobies... Tout cela a été expérimenté au cours du siècle dernier. »



« A-t-on été hypnotisé ? Si ou, par qui ? Et dans quel but ? Pouvons nous nous rappeler des événements qui ont été effacés de notre mémoire ? »
« Tant de questions... Et si peu de réponses.... »

Le mot chuchoté a été lancé par le gardien.

Sophie a tressailli en l'entendant.

Auguste associe les yeux bruns à l'hypnotisme, mais il n'en sait pas plus que tout bon observateur
de spectacle de foire... les hypnotisés font ce qu'on leur impose.

Comme compter les lignes dans les murs, comme le journaliste tout-à-l'heure...
Comment ? Le radium est mieux compris par Auguste que ce phénomène.
Et il est novice en radioactivité....

Adoptant un air plutôt préoccupé, Auguste se pencha de quelques centimètres vers son interlocutrice.

« Quelque chose... vous a fait sursauter à l'instant. »
« Serait-ce ce juron en allemand proféré par ce gardien là-bas? »

Il lança un coup de menton furtif dans la direction de ce dernier.

« Auriez-vous entendu d'autres personnes parlant allemand durant votre séjour... ici ? »
« Ou bien cette voix vous a t-telle rappelé quelqu'un ou quelque chose ? »

Sophie se reprend rapidement


« Désolée... Oui, de l'allemand!
J'ai eu des problèmes en Turquie avec un archéologue allemand...
Heinrich Schliemann, lors de mes fouilles il y a longtemps. Il était si... autoritaire.
Je déteste cette langue! J'aurai remarqué avant...
Il est peut-être alsacien, pas boche ? »

« Il suffira de discuter un peu avec lui pour le savoir... S'il se montre ouvert à la discussion, bien entendu. »

Auguste releva sa tête, en tentant de lui présenter son sourire le plus charmeur.

« Quoiqu'il en soit, j'essaierai de ne pas trop vous rappeler vos mauvais souvenirs passés avec Herr Schliemann. »
« Je suis moi-même à moitié allemand; mais je vous rassure l'autoritarisme n'est pas trop mon fort. »
« Nous nous retrouverons au réfectoire, j'imagine. Je vais voir un peu ce que je pourrais apprendre de plus auprès des autres. »

Il inclina de nouveau sa tête avant de quitter Sophie et se dirigea à pas lents vers le gardien à la langue bien pendue.

Son sourire engageant illuminant toujours son visage, le marchand de bibelots observa rapidement le gardien germanophone (à la recherche de signes distinctifs, bijoux, cicatrices, sigles ou lettres brodées sur son uniforme etc.) avant de se mettre à lui parler.


« Pardonnez-moi, monsieur. »
« Je vous ai entendu jurer... Puis-je savoir ce qui vous tracasse ? »

« Je sais que je me montre peut-être indiscret, mais, vu que nous sommes amenés à nous côtoyer... je pense qu'apprendre à nous connaître ne peut nous être que mutuellement bénéfique. »

Le maton semble étourdi par tant de verve. Il est vrai que plusieurs provinciaux parlent mal le français.

Auguste est-il loin de Paris ?

Il répond avec un accent de l'est:

« Mon orteil... Parlez au docteur demain. Il vous dira tout »

Autant tenter de charmer un rocher. Il paraît qu'ils pleurent...