Brand suivit le groupe. Il sentait sa tête qui commençait à tourner, la nuit ayant été longue et pleine d'émotions. La charge de leurs dernières mésaventures commençait à peser sur les épaules de tout le monde.

Lorsque le chef leur tendit les parchemins, il y jeta un œil mais laissa ces affaires administratives à Anselme. Il souffla ostensiblement du nez en entendant que c'était "la loi", et que personne ne se formaliserait de l'état d'esclavage des enfants. Il se remémora lui-même son passé et un frisson lui parcouru l'échine.

Il tenta également de se rapprocher du feu en jouant des coudes avec les gardes, afin de trouver un peu de chaleur et se faire sécher. les esclavagistes n'ont pas de droit à la chaleur réconfortante d'un feu, si ce n'est celui de l'enfer...

Puis à la proposition de Gadar il approuva : « je pense que nous avons tous besoin d'une bonne nuit de sommeil. Nous rediscuterons demain des évènements de la mine. Nous ne sommes que de passage. » Il rajouta d'un ton si faible qu'il était inaudible : « On ne peut pas participer à l'esclavage et s'attendre à ce que le destin ne produise aucune conséquence malheureuse... »

Anselme avait suivi le groupe jusque dans la maison du chef.
Prenant les documents que lui tendait Brand, il s'approcha du feu, autant pour la lumière que pour la chaleur réconfortante.
Après avoir minutieusement examiné les parchemins il hocha la tête et annonça d'u ton las:
« Ces papiers sont effectivement exacts.... »

Les rendant à Gadar il pensa pour lui même
Il faudra que je songe à comment faire changer cela... En tout cas j'espère que les gamins pourront s'en sortir

Il ajouta avec l'assurance de ceux qui ne doutent pas dans les pouvoirs de leur divinité: « Les mineurs pourront probablement nous renseigner sur la créature qui les a attaqué. Nous verrons effectivement demain s'ils ont besoin de soins supplémentaires et peuvent nous renseigner, »

Pour conclure par un baillement non contenu qui attestait également de son état de fatigue.
Allant dans le sens de Brand, il se reprit avec un:
« Oui, allons nous coucher et espérons que la nuit nous porte conseil »

Roza suit les autres comme si elle était encore dans un rêve. Déjà trempée jusqu'aux os, la forte pluie ne peut pas aggraver sa situation, et elle ne fait rien pour se dépêcher à travers le déluge.

Elle a largement dépassé son seuil de misère. Ajouter plus de souffrance n'ajoute pas plus de douleur.

Tout ira bien après un peu de repos.

Une fois sous un toit, elle enlève ses bottes et en déverse le contenu sur le sol sans se soucier de l'étiquette, enlève son manteau et son chapeau, les jetant sur une table, et essore ses cheveux comme une serviette trempée.

Elle laisse son manteau, ses bottes et son chapeau près du feu, et se retire dans sa chambre sans dire un mot à personne. Elle prend à peine le temps de laisser ses vêtements trempés en tas sur le sol avant de se jeter dans son lit.

Ayant arrêté les recherches à contrecœur pour suivre le gros Gadar dans sa maison bien au chaud, Hector était bien trop en colère pour dire quoi que ce soit. Il restait dans un coin de la pièce, les yeux vitreux, des gouttes perlant à la pointe de ses cheveux et de sa capuche de voleur, d'autre lui glissant le long des bras jusqu'à ses poings qu'il gardait aussi serrés que ses dents.
Il ne prit pas la peine de regarder les papiers que tendit Gadar. Il se contenta d'un « Pff... » de mépris quand ce dernier déclara que tout cela est "la loi". À la seconde où il sentit que la discussion était terminée, il tourna les talons pour sortir le plus vite possible de cet endroit, sans quoi il aurait peut-être encore une fois perdu son calme.

Une fois de retour à l'auberge, les yeux perdus dans le vide, il dit à ses camarades, ou du moins à ceux qui ne s'étaient pas effondrés de fatigue :
« Alors voilà ?... On va laisser cette pourriture s'en aller avec ces enfants ? Brand... Anselme... me dites pas que vous acceptez ça ?! »
Il n'attendait pas particulièrement de réponse. Il connaissait très bien les sentiments de ses compagnons, il avait seulement besoin de l'extérioriser. Il voulait sortir, reprendre les recherches, aller à la grange pour examiner.... il ne savait quoi, mais faire quelque chose ! Ses jambes, ses bras et ses paupières commençaient à devenir lourds, il savait que ses amis aussi étaient exténués, mais il avait le sentiment que s'endormir maintenant serait comme une insulte à la confiance qu'ils avaient durement gagnée auprès de ces enfants.
Ruminant sa colère en faisant les cent pas, il finit par s'asseoir sur son lit, le dos contre le mur, et succomba à la fatigue en s'endormant à moitié trempé.

Bravant une dernière fois la pluie diluvienne, Hector, Roza, Anselme et Brand rejoignirent la ferme auberge de Barrof.
La mine aussi triste que l'était le temps, ils entrèrent sans trop mot dire demandant immédiatement un couchage. Le village n'ayant que peu de visiteur, elle n'avait que 4 chambres à louer. Toutes étaient libres.
A l'extérieur le tonnerre grondait toujours, les éléments semblant déchaînés. Le ciel fut pourtant clément en journée. A croire que les Dieux étaient en colère. La nuit ne fut douce pour aucun d'entre eux; ni Roza, ni Hector, ni Brand, ni Anselme ne trouvèrent le repos, chacun de leur esprit étant hanté par les évènements passés ou en cours.

Les "rêves" de Brand l'emmenèrent sur les terres Washars où sévissaient les Maîtres. Un nom lui martelait le crâne sans cesse, celui de son ancien Maître: Greven Il-Vec, un homme dur, impitoyable au visage carré et émacié aux arrêtes saillantes, un regard empli de haine permanente. Il-Vec étant une particule portée par tous les Maîtres.
Il se revoyait constamment manger cette bouilli blanchâtre épaisse, son esprit perpétuellement embrumé, en train de battre le fer contre des barbares sans cesse en guerre. Quelles terres pouvaient-elles autant valoir la peine qu'on se batte autant pour elle ?
Sa marque, la bouilli, les Il-Vec, tout était lié, mais à quel dessein ? il ne le savait pas encore...mais souhaitait-il vraiment le savoir ?

Ceux d'Hector l'emmenèrent vers Ravenhorn, la Capitale de l'Empire, leur destination principale, là où se trouve son ancien maître, celui qui lui a tout appris, qui la recueilli et lui a enseigné l'art d'être "invisible", celui de se fondre dans la masse: Graham. Le Maître Il-Vec dont il ne savent toujours pas le nom lui fait beaucoup penser à Graham, froid, calculateur, manipulateur et sans peu d'état d'âme. Hector sait qu'en retournant à Ravenhorn il va sans peu de doute retrouver Graham, ou peut-être saura t-il l'éviter. Et que devient Saphir, son ancienne bien aimée ? Est-elle toujours avec les Outils de Jais ?Tout cela le tracasse fortement.

Roza, d'habitude insouciante et toujours positive ne peut s'empêcher quant à elle de penser aux orphelins. Elle qui vient des îlots-Terres sait que l'esclavage y est autorisé, mais elle n'y avait jamais réellement été confronté et surtout concernant des enfants. Les îlots-Terres représentent la liberté dans ta toute son ampleur, sans borne, ni limite. En tant qu'ex-pirate, elle y a goûté jusqu'à son paroxysme: naviguer, piller les navires trop pleins, boire à en rouler par terre, chanter, aimer, tout cela sans attaches ni contraintes. La disparition de sa grande soeur avait impacté son tempérament au point petit à petit à tout remettre en question. Elle avait donc quitté ses îles pour partir à sa recherche à travers l'Empire. Ce qu'elle y découvrit changea sa façon de penser et de voir les choses.
Sa soeur Yelena lui manquait, voilà des années qu'elle avait disparut sans laisser aucune trace, faisant petit à petit glisser Roza vers une folie douce et tendre où elles se parlaient toutes deux dans sa propre tête.

Tout comme ses compagnons, Anselme fut en proie à des cauchemars, ses pensées étant dirigées vers sa Déesse Peldora. Dernièrement elle ne semblait plus à l'écoute de ses prières, ou du moins, elle l'était moins. Il était toujours à même d'invoquer de simples bénédictions, mais lorsqu'il s'agit de prières demandant miracles, la charge était devenue soudain trop lourde, voire impossible.
Il revit l'instant où désirant sauver la vie du jeune orphelin malade, le contrecoup qu'il en subit était anormal. Il avait l'habitude de procéder à des miracles, il savait qu'il y avait un prix à payer à chaque fois, mais là le tribut fut très lourd, à en perdre connaissance, presque même la vie.
Ainsi il rêva d'elle, de Peldora, mais elle semblait éloignée, de plus en plus. Sa masse qu'il tenait entre ses mains, sa besace où il rangeait ses maigres possessions, tout lui semblait soudainement lourd, très lourd, et l'empêchait d'atteindre Peldora. Il avait courroucé sa Déesse, mais il ne savait pas encore pourquoi.

Le chant des oiseaux et l'agitation qui régnait soudain dans la salle commune finirent par réveiller les quatre voyageurs de leur nuit agitée.
Quelque soit leur état d'esprit, c'est avec peu de sommeil qu'ils découvrent le Chef Gadar en train de prendre un copieux petit-déjeuner avec ses 2 fidèles gardes et un mineur avec qui il était en train de discuter de sa grosse voix.
C'est entre deux bouchées, vous voyant arriver, qu'il vous accueille: « hum... breuhhh... pardon... venez vous assoir, je vous attendez... allez-y installez-vous et manger, j'ai commandé pour vous également....rohhhh ».
Le ton était moins sérieux que la veille, plus amène, enjoué.
Pendant que vous prenez place, il continue de parler, la bouche à moitié pleine et se servant du cidre en même temps.
« J'ai plusieurs nouvelles, certaines bonnes, d'autres mauvaises, enfin c'est selon comment on perçoit les choses. Burppp
Donc, euh, par où commencer, hummm.
Les deux mineurs ont survécu, leur état est très faible et ne sont pas en état de parler, mais ils sont en vie.
Le Maître Il-Vec est parti, son cheval n'était plus là à mon réveil, il est certainement reparti à la recherche des enfants, mais comme personne ne sait vraiment où ils sont, ma foi, c'est peut-être mieux ainsi.
La pluie a cessé de tomber, et Lu'Mnar est réapparu plus fort que jamais.
Sinon, je vous présente ici, Rolf un des mineurs qui a ramené les blessés, il a assisté à l'attaque de cette espèce de chien infernal.
Ah, et puis le voyageur d'hier soir avec son chat noir a disparu depuis hier soir ... hein Barrof c'est bien ce que tu m'as dit ? »

« Ouais, c'est ça, le bonhomme est sorti prendre l'air soit disant, sous la pluie en plus, et n'est pas revenu... » répond Barrof de loin derrière son comptoir

« Ma foi.... bon... et vous qu'allez-vous faire ? » finit par demander Gadar.

Récupération de 1PV chacun, pensez à modifier votre mini-fiche

Brand se leva en ayant trop peu dormi. La tranquillité d'une paillasse sous les étoiles et du bruit apaisant d'un ruisseau lui avait clairement fait défaut cette nuit. Ces rêves qu'il avait fait dans la nuit lui étaient malheureusement familiers. Il ne savait pas si il s'en départirait un jour. Il n'aspirait même pas à la vengeance contre son ancien Maitre, Greven Il-Vec, il voulait simplement mettre ce passé derrière lui et l'oublier à jamais. Le problème était que le passé ne semblait pas vouloir l'oublier lui.

Il gratta sa barde de trois jours et grommela un "bonjour" à la ronde en descendant dans la salle commune. Il s'assit alors à la table de Gadar et commença à l'imiter en se servant copieusement.

Quitte à avoir mal dormi, autant bien manger.

A la tirade de Gadar, il glissa à ses compagnons : « nous avons libéré les enfants du Maitre, ils ont maintenant pris eux-même leur liberté. Je dirais que notre travail a été fait. Pour ce qui est de l'ami de Roza avec le chat noir, peut-être serait-elle intéressée par le fait que nous cherchions des indices à l'extérieur ? Il ne vous a pas dit où il allait ? »

Puis il questionna Rolf : « avez-vous vu d'où venait cette créature ? Et avez-vous vu vers où elle est repartie après avoir lacéré les deux malheureux ? »

Barrof qui avait entendu la question de Brand lui répondit alors: « Ah ben si m'ntenant qu'tu l'dis, juste avant de prend'e l'air.....sous la pluie....mouais.....il a demandé où que pouvait ben t'être les enfants...par hasard.
Et là, ya Gécko qui l' a répondu qu'il avait croisé deux gros chariottes avec des enfants en direction d'la ferme de Marpolin.
Après il est sorti et j'lai point vu du tout r'venir. »

Rolf, le visage encore marqué de la veille, a du mal à manger et lorsque Brand aborde le sujet de la bête, son visage se renferme un peu plus et blêmit. « A l'demande de Daryl Karn, les mines de fer ont été rouvertes ya que'ques s'maines, et nous étions à la r'cherche de nouvelles gal'ries à creuser. Nous sommes alors tombés sur une grotte avec de multiples cavités et t'nnels. Et tandis que nous étions en train de miner, la créature est apparue, elle v'nait certain'ment d'un des tunnels. On aurait dit un énorme chien mais avec une mâchoire acérée, sa peau était comme décharnée, une musculature saillante, c''tait horrible. On a réussi à la fait s'enfuir, mais elle en a blessé plusieurs d'ent'e nous. J'ai ram'né ceux du village Teurk et Gravel en espérant les sauver. »
Il parlait avec de grands gestes, rapidement et s'arrêter de temps en temps pour reprendre son souffle en buvant une rasade de bière.
Puis il s'effondra les mains dans le visage, face sur la table « C'tait horrible »

Roza mange son petit-déjeuner sans joie, son regard naviguant du chef du village à ses compagnons, et de nouveau vers le chef.

Avec un bruit sec, elle laisse tomber ses couverts sur son assiette. « Que la mer nous noie! C’est quoi le sujet de cette foutue discussion, ce matin ? On n’était pas censés mettre le cap sur Ravenhorn, à la recherche de… » Elle laisse sa phrase en suspens, soit parce qu’elle ne veut pas partager des secrets devant des étrangers, soit parce qu’elle a tout simplement perdu tout intérêt. « On erre, là, à parcourir les terres, pour faire le bien ? Comment ça marche pour nous, hein ? Demandez donc à ces gamins, s’ils sont contents de nous avoir croisés, tout le bien qu’on leur a fait ! Pah ! » Elle crache de dédain.

Reprenant ses couverts, elle enfourne une bouchée, marmonnant à travers sa bouche pleine : « D’accord, si vous voulez tous aller enquêter sur ce putain de chien de l’enfer, très bien. Tant qu’il n’y a pas encore un autre foutu chat. »

S'étant endormi plus tard que ses compagnons, Hector se leva et pénétra dans la salle commune pour entendre les protestations de son amie pirate.

« Je suis plutôt d'accord avec Roza. On ne vous doit absolument rien et nous avons d'autres chats à fouetter. Et vous voudriez qu'on aille crapahuter dans une vieille grotte pour aller vérifier l'existence de ce qui m'a tout l'air d'être une hallucination d'une bande de mineurs alcooliques ? »

Il saisit une pomme sur la table et s'adossa au comptoir du bar, restant debout. Il ne dit rien pendant un long moment puis s'adressa à Anselme sans le regarder.

« Anselme.... Tu penses que c'est sérieux ? Qu'il n'y a pas d'autre explication ? Qu'on doit s'en charger ? »

Tout ce temps il regardait manger Gadar, avec un air de dégoût non dissimulé.

Anselme s'était levé mal à l'aise après cette nuit trop courte pour récupérer mais trop longue pour expérimenter autant de cauchemars.
Après ses ablutions rituelles du matin et ses prières qui lui parurent une routine presque inutile il glissa sous sa chemise le symbole de sa déesse comme s'il se sentait indigne de le porter ouvertement.
Il croyait encore fermement en la Déesse mais il s'Interrogeait surtout sur la manière de vivre sa foi.
Désorienté et perplexe, il descendit maladroitement les escaliers pour rejoindre Brand en conversation avec Gadar.
Mutique comme souvent, il écouta attentivement leur échange en se contentant d'une chope de lait tiède accompagné d'une tranche de pain noir et de quelques cuillers de miel.

Il soupira alors
« Je suis heureux que les blessés aient survécu à la nuit. Loué soit la Déesse »
reprenant un peu confiance il acquiesa dans le sens de Brand
« Cela me rassure que les enfants aient pris leur destin en main même si savoir l'homme en noir à leur trousse ne m'enchante guère. J'ai cependant un pressentiment positif quant à la disparition nocturne du voyageur au félin »

Interpellé par la remarque d'Hector, il recula sa chaise pour pouvoir étendre ses jambes, pencha sa tête en arrière et ferma les yeux, comme pour sonder en lui même, à la recherche de légendes ou autres histoires sur de telles créatures des profondeurs infernales similaires èa celles évoquées par Rolf...
La Déesse souhaiterai-t-elle donc qu'il intervienne dans cette affaire ?

Voyant ses compagnons descendre un par un, Brand soupesa les mots de Roza.

« Effectivement je suis plutôt d’avis de ne pas nous mêler à ce qui ne nous regarde pas. Sauf si on y a un intérêt… »

Le passé de mercenaire de Brand n’était jamais loin. Il avait appris d’expérience à ne jamais prendre de risque qui ne soit pas indispensable, et surtout qui ne soit pas en rapport avec la récompense. C’est comme ça qu’il gagnait sa vie et comme ça qu’il avait toujours fait.

Bien qu’il aspirait à rejoindre leur mission première au plus vite, il ne perdait pas de vue les éventuels à côtés, surtout si ceux-ci sont lucratifs.

Il donna donc son avis en restant ouvert à la proposition.

Le visage de Gadar ne cacha nullement sa surprise lorsque ce dernier entendit les paroles de chacun.
« Je n'ai jamais requis votre aide au sujet de l'attaque de la mine...
vous faîtes bien ce que bon vous semble, d'autant plus maintenant que le Maître est parti, ainsi que l'étranger et les enfants.
Le village va pouvoir retrouver sa quiétude....enfin sauf pour les problèmes à la mine de fer.
Sa réouverture n'augure rien de bon d'ailleurs... »

Gadar s'essuie la bouche, jette négligemment sa serviette sur la table puis se lève d'un bond, se tapant les mains sur le ventre.
« Bien, c'est pas tout ça, mais j'ai du travail, je vous souhaite un bon vent....Le temps est redevenu clément, je suppose que vous allez repartir ? »

Gadar parti, Hector se décolla du comptoir et vint s'asseoir en piochant quelques aliments.

« Bon ! Et bah tout est dit je crois hein ? Qu'est-ce qu'on fiche encore ici ? On attèle les chevaux et on se casse de ce village ! Non ? S'il y a pas de loup mystique bizarre des enfers, bah je pense qu'ils peuvent se débrouiller ; et s'il y en a un, j'aime autant ne pas rester là. »

Il se fit une assiette en attendant les réponses de ses camarades.

La bouche pleine, il marmonna pour lui-même :
« Au pire, le chien maléfique s'étouffera en essayant de bouloter le gros Gadar... »

Il se tourna vers Roza.
« Ah au fait ! Il t'as pas laissé un mot avant de partir ton pote au chat ? »

Brand ne sut quoi répondre face au bon sens d’Hector. Surtout qu’il était du même avis que lui.

« Terminons ce repas bien mérité et mettons nous en selle ! » dit-il, avant de se resservir copieusement.

« Essayons de rassembler quelques provisions puis nous partirons, j’ai hâte de mettre de la distance entre ce village et nous »

Anselme plissa les yeux dans un ultime effort pour sonder dans sa mémoire toute référence à une telle créature.
Finalement, l'air distrait il se rangea à l'avis de ses comparses.
« Cette histoire de créature canine ne me dit rien... Si la Déesse souhaite que nous nous en occupions, elle la mettra sur notre route. Le plus important est que les mineurs aillent mieux. Espérons que la compétence du Chef dans cette affaire soit à la hauteur de son appétit. »

Il se leva à son tour, se dirigea vers le comptoir et y déposa quelques pièces. Levant la main droite, son symbole en main il prononça une bénédiction commune.

« Que Peldora bénisse ce lieu de repos pour les voyageurs, que ma nuit agitée garantisse la quiétude des leurs. »

Il sortit alors de l'auberge et alla préparer le bât de sa mule en sifflotant. Vraissemblablement, quitter ce lieu n'était pas pour lui déplaire.

Roza acquiesce aux suggestions de ses camarades. Lorsque Hector lui demande si elle veut dire au revoir à son ami avec le chat, elle répond : « Pourquoi ? Y a-t-il une flaque d'eau assez profonde dehors pour l'y noyer ? » Puis, à voix basse, assez pour que ses amis l'entendent, mais comme si elle craignait que même l'air puisse l'écouter : « Je suis sûre que c'était l'homme en noir déguisé. Vous devez tous être plus prudents avec les inconnus à l'avenir. »

Le fait que ce soit elle qui ait passé la nuit à flirter avec l'étranger semble lui échapper.

Après la bénédiction d'Anselme, elle fait glisser quelques pièces sur la table, se lève dans un grincement de chaise, et déclare : « Jamais été plus heureuse de larguer les amarres que de ce village. »

C'est par un matin calme et ensoleillé, après avoir passé une soirée et une nuit très agitée, que Roza, Hector, Brand et Anselme (accompagné de sa fidèle mule) reprennent la route en direction de la capitale Ravenhorn.
Le paysage et surtout les sols portent encore les stigmates des pluies diluviennes de la veille: terres spongieuses et boueuses, herbes couchées, arbres fendues... Les sombres nuages ont été remplacés par de fins traits blancs mais le fond de l'air reste cependant frais.
A l'Est se profilent au loin les Hauts Pics, une chaîne montagneuse glaciale réputée infranchissable et inhabitée à cause de son extrême climat. En face ce ne sont que plaines et vallons, tandis que derrière eux ils laissent le village d'Enrost et ses évènements moroses.

Plusieurs lieux plus loin ils changent faiblement de direction laissant sur leur droite un large chemin prenant la direction des montagnes avoisinantes et très certainement sa mine de fer. La route pour Ravenhorn allait être longue et ça n'était que le début de celle-ci.

Ils marchèrent durant quelques jours, dormant à la belle étoile ou dans des relais sans avoir aucune information concernant le Maître, les enfants ou même Ozirias.
A un moment ils virent au loin une troupe de soldats d'une dizaine d'hommes se dirigeant vers les montagnes.
Au bout du troisième jour Anselme sembla reconnaître les paysages alentours, puis il en fut convaincu lorsque se dessina au loin les formes angulaires d'une petite cité, la cité dont il tirait son nom: Anselme.
Des fermes et champs cultivés commençaient à se montrer par-ci par-là au grès de votre avancée. Des vaches paissaient non loin, tandis qu'un chien aboya sur votre passage, faisant se retourner les têtes des paysans occupés à leur dur labeur.
Après plusieurs jours à marcher "seuls" voici qu'ils étaient à nouveau au contact de la civilisation.

C'est la première fois qu'Anselme revenait dans sa cité d'enfance, là où l'abbesse Théréza l'avait recueilli sur les parterres de l'Abbaye, abandonné aux mains de la Déesse Peldora. Ce n'est que plus tard, désireux de rejoindre son Eglise qu'il fut envoyé auprès de la Patriarche Esmeralda à Ravenhorn. L'Eglise de Peldora est réputée pour n'être composée que de femmes, Anselme fait donc preuve d'exception et ce avant même qu'il ait reçu le Don, le Don de faire des Miracles. Il y fut rebaptisé Anselme lorsqu'il perçut le Don et devint par-là même un Marqué*.
Il avait quitté la cité il y a presque une dizaine d'années, Théréza serait-elle toujours là, et les autres orphelins, étaient-ils restés ici également ou avaient-ils quitté la cité tout comme Anselme. Il l'avait quitté enfant et il y revenait adulte, sa vision des choses allait-elle être la même...
La cité était de taille moyenne, entouré de remparts en pierre. Là où le village d'Enrost ne devait compter qu'une centaine d'habitants, Anselme devait en avoir plusieurs (centaines donc). Une rivière, source de vie, descendant des montagnes la coupait en deux d'est en ouest.
Comme tout cité, elle était divisé en 4 quartiers, chacun d'entre eux gravitant autour d'un culte commun. La cité représentait ainsi 4 cultes majeurs: Sokan, Dieu protecteur de l' Empire du Nord, Peldora, Déesse de la Miséricorde et de la Guérison, Solia, la Déesse du Soleil (K'Man) et de la Lumière (également de l'Agriculture), et Démar, Déesse de la Justice et de la Sagesse. Autrement appelés les Piliers d'AArkhan.

Après une rapide identification, grandement facilité par la présence du Dévot Anselme, vous pénétrez dans la cité. Différentes odeurs vous imprègnent immédiatement les narines: épices, parfums, excréments, tout y passe et se confond. La petite cité est animée, et Anselme reprend petit à petit ses marques, les souvenirs remontant peu à peu à la surface.


* Les Marqués sont les pratiquants officiels de la Magie Divine et Profane. Bien que peu nombreux, toute personne développant un savoir hermétique se doit d'être marqué par un sceau visible de tous qui le désigne comme un pratiquant des Arts Mystiques ( Divin ou profane ) sous peine d'être poursuivi et enfermé. Cette loi est millénaire au sein de l'Empire du Nord.

Brand avait apprécié chaque instant de leur voyage depuis qu'ils avaient quitté Enrost. Il préférait (et était habitué) de loin les voyages dans la nature, dormir à la belle étoile (malgré les dernières pluies diluviennes et le sol partiellement encore détrempé) et les feux de camps aux grandes villes cacophoniques.

Il s'affaire durant leurs quelques jours de voyages à trouver de la nourriture fraiche, allant à l'occasion chasser du petit gibier ou ramasser des graines et racines. Il essaya tant bien que mal de ne pas trop ruminer sur le destin qui attendait les enfants qu'ils avaient plus ou moins abandonnés. Après tout nous ne sommes pas responsables d'eux... On a fait le maximum pour eux...
Mais il gardait malgré tout un léger remord auquel il n'était pas accoutumé et qui ne lui plaisait guère.

En arrivant aux abords d'Anselme (la ville), il effleura sa cicatrice dans le cou et constata que cela faisait plusieurs jours qu'elle ne lui avait pas fait mal. Il espérait que cela allait continuer, et que le destin ne remettrai pas à nouveau le Maitre sur leur chemin. Les mauvaises rencontres peuvent vite survenir dans les villes.

Il discuta avec le dévot en passant les portes de la cité : « alors comme ça tu t'appelles comme la ville, et la ville s'appelle comme toi. C'est pas commun. »

Comme Anselme était le plus familier avec cette ville, il se laissa guider en glissant un : « profitons de ce temps en ville pour nous remettre d'aplomb, réparer notre équipement et reconstituer nos provisions. Faisons profil bas. »

Sur le chemin d'Anselme, Hector se remettait lentement de ses blessures, ou du moins, de celles dont on guérit. Depuis leur départ d'Enrost, il faisait l'économie des mots, lui qui pourtant adorait parler et surtout s'écouter parler. Il ne traînait pas des pieds, n'était pas oisif, il aidait à la montée et à la levée du camp, aux tours de gardes, aux repas... Mais le soir venu, seul face à soupe de champignons, il ruminait son échec. Comble de la dépression, il avait même renoncé à taquiner Roza à propos de ses batifolages avec l'homme au chat.

Cependant, il se réjouissait malgré lui de retrouver la civilisation. Enfin une ville, une vraie ! Pas un patelin paumé avec des chemins en terre, mais une cité ! Avec des rues pavées, une place du marché, des saltimbanques, et peut-être même assez d'alcool, de filles et de garçons pour oublier un temps ses tracas.

Il répondit à Brand d'un hochement de tête et se tourna vers Anselme car il était tout de même curieux à propos de son nom. Était-il fils d'un riche dignitaire de la ville ou de l'un des fondateurs ? Ce serait fort pratique, ils pourraient être logés et nourris aux frais de la princesse. Il plissa les yeux en observant le dévot en essayant d'imaginer sa vie, dont on ne savait pas grand chose.

Anselme quitta le village avec un goût amer dans la bouche... Soulagé de quitter ce village peu amène mais inquiet pour le sort des enfants. Cependant il avait foi en eux et en la Déesse pour les guider.

Lors du voyage, il prit soin des blessures de tous, lavant les plaies, changeant les pansements et notant tout scrupuleusement dans son gros cahier relié de cuir. Il participa comme il se doit aux tâches courantes du campement, ne rechigna en rien sur son tour de garde. Les journées du dévôt était également ponctuées de temps de brèves prières

Au fur et à mesure qu'ils approchaient de sa ville éponyme, son humeur se fit moins morose et il parla plus souvent.

Durant cette brève période ses compagnons apprirent son abandon devant le temple de Peldora alors qu'il n'était qu'un nourrisson et comment il devint un domestique. Il ne sut expliquer comment ce que vit l'abbesse Théréza mais en tout cas son discours ne laisse aucun doute sur sa certitude de marcher en compagnie de la présence de la Déesse.

Ce fut avec une certaine appréhension qu'une fois les formalités d'entrées effectuées qu'il entra dans la ville d'Anselme.
Allait-il retrouver ses repères ?

En tout cas la première destination était évidente: Le temple de Peldora.
« Compagnons » dit-il,« je vais aller au temple. Souhaitez vous m'y accompagner ? Sinon il y a l'auberge du Pigeon Voyageur à quelques rues du temple qui si elle existe toujours et est encore tenue par la famille Piérale devrait être un lieu accueillant. »
Ce faisant, il avança en suivant la rue principale avant d'obliquer vers l'ouest pour pénétrer dans le quartier de Peldora. Il ne cessait de regarder de gauche à droite, tâchant de raccrocher chaque bâtiment, chaque ruelle à ses souvenirs d'enfance...